Des hauts et des bas pour retrouver son chemin

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

En vol d'avance, les oscillations verticales de l'abeille peuvent aider l'odomètre (compteur de distance) de son intégrateur de chemin à estimer la distance parcourue. Grâce à une mise à l'échelle visuelle, l'odomètre qui intègre le flux optique ventral est beaucoup plus robuste aux variations de la vitesse et de la hauteur de vol. Cette étude, publiée dans la revue Journal of The Royal Society Interface, montre aussi que la mise à l'échelle est rendue possible par les flux optiques de contraction et d'expansion générés par les hauts et les bas de l'abeille.

Les insectes ailés de la famille des hyménoptères (abeilles, …) et des lépidoptères (papillons, …) sont connus pour osciller en vol d’avance à une fréquence comprise entre 1Hz et 5Hz. En oscillant verticalement en vol d’avance, l’insecte enrichit son champ de vecteur de flux optique ventral en ajoutant une composante d’expansion et de contraction au flux optique de translation. Les scientifiques ont simulé la trajectoire en plein champ d’une abeille en vol d’avance qui oscille et régule son flux optique ventral en présence de diverses conditions de vent et de relief.

Lors de la danse en huit dans la ruche, les abeilles butineuses communiquent à leurs congénères la direction et la distance à la source de nourriture. On sait depuis les années 90 que cette distance est estimée par les butineuses sur la base du flux optique perçu pendant leur trajet. Depuis, on supposait que cette estimation de la distance parcourue était réalisée en intégrant mathématiquement le flux optique ventral, c’est à dire la vitesse angulaire brute de l'image du sol. 

Dans cette étude, les chercheurs montrent qu’une intégration mathématique brute du flux optique n'est pas du tout fiable car elle dépend trop de la direction du vent ainsi que de la vitesse et de la hauteur de vol. En revanche, la simulation indique qu’une intégration du flux optique ventral mise à l’échelle visuellement est particulièrement robuste aux diverses conditions de vent et ce quelle que soit la trajectoire.

Cette mise à l’échelle est basée sur la perception visuelle de la hauteur du sol : elle est rendue possible grâce aux flux optiques d'expansion et de contraction générés par les propres oscillations verticales de l'abeille en vol. Cette perception visuelle de la hauteur sol est simulée par un estimateur appelé filtre de Kalman étendu. Pour estimer cette hauteur sol, le filtre prend pour entrées : (i) la divergence du flux optique ventral rendant compte de l’expansion et de la contraction du flux optique et (ii) la commande d’amplitude de battements d’ailes agissant principalement sur la dynamique verticale.

Par conséquent, le modèle développé d'odomètre visuel appelé SOFIa montre que ces hauts et ces bas présents dans les trajectoires de vol peuvent aider les abeilles (i) à retrouver une source de nourriture, (ii) à retourner à proximité immédiate de la ruche et (iii) à communiquer à leurs congénères une distance de vol fiable entre la ruche et la source de nourriture.

Une application future particulièrement prometteuse du modèle SOFIa est la navigation de robots volants dans des environnements privés de GPS. En effet, cet odomètre visuel évaluera la distance parcourue avec précision sur la seule base d’une vision minimaliste : un brevet1 a été déposé dans ce sens en janvier 2021.

1Demande de brevet prioritaire FR2100203 déposée le 11/01/2021, « DISPOSITIF D’ESTIMATION DE DISTANCE A UNE SURFACE ET DE LONGUEUR PARCOURUE », Inventeurs : F. Ruffier, L. Bergantin, T. Raharijaona

 

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© L. Bergantin, N. Harboui, T. Raharijaona & F. Ruffier
Figure : a) En oscillant verticalement en vol d’avance, l’insecte enrichit son champ de vecteur de flux optique ventral en ajoutant une composante d’expansion et de contraction au flux optique de translation. b) Simulation d’une abeille en vol d’avance en plein champ qui oscille et régule son flux optique ventral en présence de diverses conditions de vent et de relief. c) La distribution (en vert) très resserrée et proche du but à atteindre montre que l’intégration du flux optique ventral mise à l’échelle visuellement du modèle SOFIa est beaucoup plus fiable que l’intégration brute du flux optique (cf. à la distribution très étalée en couleur gris) : notamment, elle ne dépend plus de la direction du vent.

Pour en savoir plus :
Oscillations make a self-scaled model for honeybees’ visual odometer reliable regardless of flight trajectory
Bergantin L, Harbaoui N, Raharijaona T, Ruffier F. 2021
J. R. Soc. Interface 8 septembre 2021    https://doi.org/10.1098/rsif.2021.0567

Animation
© C. Coquet, L. Bergantin & F. Ruffier

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Franck Ruffier
Directeur de recherche CNRS

laboratoire

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