Virginie Courtier-OrgogozoInstitut Jacques Monod (IJM) - CNRS / Université de Paris
Mes recherches
Ancienne élève de l'École Normale Supérieure à Paris et agrégée des Sciences de la Vie et de la Terre, je suis actuellement directrice de recherche au CNRS. L'obtention de l'ATIP-Avenir m'a permis de créer mon équipe de recherche à l’Institut Jacques Monod à Paris en 2010. Les recherches de mon équipe portent sur les mécanismes impliqués dans l’évolution des espèces, afin de mieux comprendre nos origines et le futur des espèces vivantes.
Pour en savoir plus : https://virginiecourtier.wordpress.com/
Mon projet ATIP-Avenir
Développement et évolution de la forme des lobes génitaux
Ce projet vise à comprendre comment des formes biologiques variées se développent et changent au cours de l’évolution.
La forme est une propriété fondamentale de toutes les structures biologiques et la forme des organes est souvent altérée dans les cancers. Or les mécanismes qui contrôlent l’arrangement spatial des cellules et génèrent des formes bien particulières sont peu connus. Aujourd’hui, des gènes essentiels impliqués dans la détermination de la forme des organes (myosine, cadhérine, EGFR, etc.) commencent à être identifiés et étudiés par des cribles de mutagénèse et par d’autres techniques classiques de biologie du développement. En général, ces méthodes analysent des pertes ou des gains de fonction de gènes, ce qui conduit le plus souvent à une désorganisation complète des tissus. Pour essayer de comprendre comment les gènes modulent les formes des organes de façon précise et subtile, nous nous proposons ici d’utiliser une autre approche : l’analyse des mutations qui sont apparues au cours de l’évolution et qui causent des changements précis de forme.
Le lobe postérieur du genitalia est une structure pluricellulaire planaire qui a considérablement divergé entre Drosophila melanogaster et les trois espèces les plus proches de celle-ci. Ces quatre espèces constituent un modèle exceptionnel pour rechercher les bases génétiques des différences entre espèces animales : des outils génétiques puissants et des technologies génomiques de pointes sont disponibles, leurs génomes sont séquencés et des hybrides fertiles peuvent être générés au laboratoire. Pour rechercher les loci génétiques responsables de différence de forme du lobe, les études antérieures avaient considéré la forme adulte finale comme une variable morphométrique et elles ont échoué.
Nous avons ici deux objectifs complémentaires :
- (1) caractériser en détail le développement du lobe postérieur au niveau cellulaire chez D. melanogaster. Mis à part trois gènes exprimés dans le lobe et requis pour sa formation, on ignore comment le lobe se développe. Par immunohistochimie et par microscopie sur animal vivant en temps réel, nous souhaitons examiner le développement du lobe à l’échelle cellulaire et déterminer ainsi comment les processus cellulaires de base (divisions cellulaires, migration cellulaire, forme des cellules, mort cellulaire, polarité cellulaire) conduisent à la forme du lobe adulte. Une telle description est absolument nécessaire si on souhaite comprendre comment des formes biologiques précises sont créées au cours du développement.
- (2) identifier les gènes et les mutations responsables de certains changements de forme du lobe en utilisant des méthodes de cartographie génétique récentes qui permettent d’identifier les gènes responsables de différences interspécifiques chez les drosophiles. Pour décomposer une différence de forme complexe en changements simples et accessibles, nous utiliserons des lignées hybrides qui contiennent une petite région génomique d’une autre espèces et nous étudierons l’effet de cette région génomique au niveau cellulaire au cours du développement du lobe. Nous étudierons des lignées D. melanogaster hybrides qui contiennent des chromosomes 4 de D. simulans et des lignées D. simulans hybrides que j’ai construites qui contiennent un petit morceau du chromosome 3 de D. sechellia. Ces lignées présentent un lobe anormal dont la forme ressemble légèrement à celle de l’autre espèce. Nous espérons identifier le gène sur le chromosome 4 par des tests de complémentation en utilisant des délétions et des mutants de D. melagonaster. Le chromosome 4 contient seulement 89 gènes. 80% du chromosome est couvert par des délétions et des mutants sont disponibles pour environ la moitié des gènes. Le locus contrôlant la forme du lobe situé sur le chromosome 3 est localisé dans une région de 20kb contenant un seul gène qui code une enzyme alpha-mannosidase. Nous examinerons comment ce gène ou un autre élement génétique non encore identifié dans cette région contrôle la forme du lobe.
Grâce aux progrès récents en imagerie in vivo et en génétique de la drosophile, il est maintenant possible d’analyser les mécanismes moléculaires et cellulaires qui contrôlent le développement de la forme des organes. Ce projet ambitieux et innovant devrait fournir des résultats précieux concernant la régulation de la forme des organes.
Virginie Courtier est également lauréate ERC Starting Grant 2013