La communication intercellulaire chez les végétaux : un changement de paradigme
Les plasmodesmes, des canaux membranaires essentiels chez les plantes, jouent un rôle primordial dans la communication intercellulaire. Dans un article publié dans Cell, des scientifiques montrent comment ces canaux régulent le flux moléculaire entre les cellules grâce à l’interaction entre des protéines spécifiques et des lipides. Cette découverte redéfinit notre compréhension des sites de contact membranaires et ouvre de nouvelles perspectives pour les recherches en biologie végétale.
La communication intercellulaire des plantes via des plasmodesmes
Les sites de contact membranaires (MCS) sont des structures fondamentales présentes chez tous les organismes eucaryotes. Leur découverte a révolutionné notre compréhension de la coordination des activités intracellulaires. Traditionnellement, la fonction des MCS a été largement étudiée dans le contexte de l'échange inter-organellaire, où les membranes de deux organites se rapprochent pour permettre un échange direct de molécules. Les plantes supérieures utilisent les MCS non seulement pour l'échange inter-organellaire, mais aussi pour la communication intercellulaire. Cela se fait par le MCS tubulaires non conventionnels situés aux interfaces cellule-cellule, connus sous le nom des connexions cytoplasmique ou plasmodesmes.
Les connexions cytoplasmiques entre les cellules végétales ont été décrites pour la première fois par le botaniste Eduard Tangl à la fin du 19e siècle, et quelques années plus tard, Strasburger les a nommées "plasmodesmes". Aujourd'hui, nous savons que les plasmodesmes (PD) sont des canaux tapissés de membranes permettant le passage de molécules entre deux cellules. Chez les plantes vasculaires, les PD sont composés d'une membrane externe continue avec la membrane plasmique (MP). Des brins de réticulum endoplasmique comprimé (ER), appelés "desmotubules", traversent le canal des PD et relient deux cellules voisines. Les PD se forment par une séparation incomplète de deux cellules filles lors de la division cellulaire, empêchant l'achèvement de l'abscission de la membrane.
L’importance des protéines « tether » et des lipides anioniques dans la régulation intracellulaire
Dans cette étude, publiée dans la revue Cell, les scientifiques se sont intéressés aux MCTP comme constituants essentiels des PD. En combinant la microscopie électronique et photonique haute résolution, sur la plateforme du Bordeaux Imaging Center, membre de l’infrastructure de recherche France BioImaging, ils ont démontré que la régulation de l'écart entre le réticulum endoplasmique (RE) et la membrane plasmique (MP) au sein des plasmodesmes permet de moduler efficacement le flux moléculaire entre les cellules. Cette modulation se fait grâce à l'action combinée des protéines MCTP, qui agissent comme des attaches membranaires locales, et du lipide anionique PI4P.
Le transport cellulaire via les PD est régulé, entre autres, par la callose, qui réduit les échanges intercellulaires en s'accumulant au niveau des PD. Par conséquent, les auteurs ont testé la déposition de callose et le mouvement des molécules après des traitements hormonaux et de stress connus pour affecter les PD, et ont constaté que l'attachement RE-MP joue un rôle dominant sur la fonction de la callose dans la régulation de la fermeture des PD.
Les scientifiques ont identifié la phosphatase PI4P SAC7 comme une enzyme lipidique clé régulant le trafic cellule-cellule basé sur les MCS, associée au RE cortical et localisée près des plasmodesmes dans les racines. Les niveaux de SAC7 contrôlent l'accumulation de MCTP aux plasmodesmes. SAC7 est exprimée de manière spécifique aux types cellulaires, avec une forte expression dans les trichoblastes et une faible dans les atrichoblastes, ce qui affecte l'accumulation de MCTP et le trafic cellule-cellule.
Ce travail marque deux percées significatives et des changements de compréhension conceptuelle. Premièrement, il redéfinit la biologie des contacts membranaires en révélant que ces structures eucaryotes conservées facilitent non seulement la communication inter-organellaire, mais régulent également l'échange moléculaire entre les cellules, ouvrant la voie à un nouveau champ de recherche sur leurs fonctions. Deuxièmement, il révolutionne notre compréhension de la communication intercellulaire médiée par les plasmodesmes chez les plantes en soulignant que la régulation des contacts membranaires joue un rôle dominant dans le contrôle de la communication cellule-cellule.

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Figure : Les MCTP « tethers » et les lipides anioniques régulent le flux intercellulaire des plasmodesmes.
Représentation schématique montrant comment les MCTP contribuent à la régulation dynamique de l'espace RE-MP dans les plasmodesmes. Ils interagissent avec le PI4P, lipide anionique de la membrane, ce qui peut réduire l'espace cytoplasmique et entraîner des modifications du flux moléculaire intercellulaire.
Référence : Plasmodesmata act as unconventional membrane contact sites regulating intercellular molecular exchange in plants. Pérez-Sancho J, Smokvarska M, Dubois G, Glavier M, Sritharan S, Moraes TS, Moreau H, Dietrich V, Platre MP, Paterlini A, Li ZP, Fouillen L, Grison MS, Cana-Quijada P, Immel F, Wattelet V, Ducros M, Brocard L, Chambaud C, Luo Y, Ramakrishna P, Bayle V, Lefebvre-Legendre L, Claverol S, Zabrady M, Martin PGP, Busch W, Barberon M, Tilsner J, Helariutta Y, Russinova E, Taly A, Jaillais Y, Bayer EM.
Cell, 20 février 2025, DOI : 10.1016/j.cell.2024.11.034
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