Adaptation nutritionnelle : les stratégies d’un prédateur bactérien
Les prédateurs bactériens jouent un rôle essentiel dans l’écologie des sols. Dans une étude publiée dans PNAS, des scientifiques ont utilisé une approche d'évolution expérimentale pour identifier les déterminants génétiques clés de leur adaptation aux conditions environnementales. Ils ont ainsi isolé des super-prédateurs qui activent un programme génétique spécifique. Ce programme optimise la consommation de leurs proies en stimulant le métabolisme des acides gras et en renforçant leur résistance au stress oxydatif. Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives pour comprendre les contraintes nutritionnelles rencontrées par les prédateurs dans leur niche écologique.
Les prédateurs bactériens sont importants pour l’écologie des sols
Les sols abritent des communautés microbiennes complexes. Selon les données de métagénomique, les prédateurs jouent un rôle central dans le maintien des écosystèmes. Pourtant, ce rôle reste mal compris, et il est essentiel d’analyser plus en détail les mécanismes d’interaction entre les prédateurs et leurs proies. La bactérie du sol Myxococcus xanthus est un modèle expérimental idéal pour étudier ces mécanismes aux niveaux génétique et moléculaire. En laboratoire, les scientifiques ont découvert que Myxococcus tue ses proies par contact direct, les faisant exploser pour consommer leurs carcasses. Cependant, le métabolisme du prédateur et la nature des nutriments obtenus à partir des proies restaient mal compris.
Des super-prédateurs obtenus expérimentalement
Pour élucider ces questions, les scientifiques ont mené une expérience d’évolution en laboratoire afin de sélectionner des super-prédateurs mieux adaptés à leurs interactions avec leurs proies. Ils ont isolé des variants qui accumulent des mutations activant un programme génétique spécifique leur permettant une meilleure adaptation à leurs proies. Les résultats, publiés dans la revue PNAS, montrent que cette adaptation repose sur deux capacités essentielles :
- L’activation du métabolisme des acides gras, qui permet au prédateur de se nourrir plus efficacement, probablement en digérant mieux les lipides issus des carcasses de ses proies.
- L’activation de gènes conférant une meilleure résistance au stress oxydatif. Cette adaptation révèle que, lors de leur lyse, les proies libèrent des espèces réactives de l’oxygène qui affectent les bactéries prédatrices.
Bien que réalisée en laboratoire, cette étude révèle le stress subi par les prédateurs et les mécanismes d’adaptation qu’ils mettent en place. Elle ouvre de nouvelles perspectives pour comprendre la nutrition des bactéries prédatrices et déterminer quels lipides sont consommés. Une analyse comparative des souches isolées des sols serait particulièrement utile pour mieux comprendre ces adaptations dans leur environnement naturel.
De plus, cette recherche établit des parallèles avec les interactions pathogène-hôte, où le métabolisme des acides gras et la résistance au stress oxydatif jouent également un rôle clé.

Figure : La microfluidique permet d’encapsuler Myxococcus (vert) avec une proie unique (E. coli, rouge) dans une micro-gouttelette. On observe Myxococcus xanthus s’agréger sur la proie pour la tuer par contact. Les gouttelettes contiennent un colorant sensible aux espèces réactives de l’oxygène (ROS), qui devient jaune lorsqu’il est oxydé. La lyse de la proie entraîne une coloration jaune, révélant la production de ROS. L’adaptation de Myxococcus aux ROS lui permet de résister à leur attaque, un phénomène également observé lorsqu’une bactérie pathogène est phagocytée par un macrophage.
En savoir plus : Jain R, Le NH, Bertaux L, et al. Fatty acid metabolism and the oxidative stress response support bacterial predation. Proc Natl Acad Sci U S A. 2025;122(5):e2420875122. doi:10.1073/pnas.2420875122
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