Traits de caractère et vulnérabilité à l’addiction

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Dans un article publié dans la revue PLOS Biology, des scientifiques ont démontré que dans des populations de souris, génétiquement identiques et placées dans des environnements semi-naturels, appelés microsociétés, la réponse à la nicotine est étroitement liée à certains traits de personnalité associés à la recherche de récompenses. Ces résultats, éclairent le lien entre socialisation, neurobiologie et addiction.

« Souris City » un laboratoire social pour mettre en évidence les comportements individuels.

Chez les animaux, chaque individu présente des traits de caractère et des préférences distinctes, qui influencent à la fois ses stratégies, ses interactions sociales et sa sensibilité à diverses maladies, y compris les addictions. La réponse à la nicotine, par exemple, peut varier considérablement d’un individu à l’autre, souvent en lien avec des traits de personnalité spécifiques. Pourtant, les mécanismes sous-jacents qui relient ces différences comportementales demeurent largement méconnus. Pour aborder cette question, les scientifiques ont mené une étude dans un environnement semi-naturel surnommé « Souris-City ». Ce cadre unique permet d’observer le comportement à long terme de souris mâles vivant en groupe dans un espace social, tout en permettant d’évaluer périodiquement leur comportement individuel face à une tâche de récompense. Le but ? Étudier comment les stratégies individuelles de prise de décision, observées en dehors du contexte social, reflètent une dynamique de groupe et influencent la vulnérabilité à la nicotine.

Des liens entre les interactions sociales, le système dopaminergique et le circuit de la récompense.

Le test comportemental réalisé dans « Souris-City » impliquait un labyrinthe en T où des souris devaient choisir entre deux options : un côté présentant de l’eau, et l’autre côté de l’eau sucrée. Une fois un choix effectué, l’accès à l’autre option était bloqué. La position respective des deux solutions alternait tous les 3 à 4 jours pour éviter que les souris ne mémorisent simplement leur chemin. Les résultats, publiés dans la revue Plos Biology, montrent qu’au fil du temps, chaque souris a développé une stratégie individuelle dans la façon d’aborder le labyrinthe, révélant des différences marquées dans la recherche de récompense. Fait intéressant, ces stratégies individuelles étaient corrélées à la manière dont chaque souris se déplaçait au sein de la microsociété. Cela montre que les décisions prises de manière isolée, dans un cadre où la recherche de récompense est centrale, sont liées aux traits de personnalité exprimés dans un environnement social.

Les scientifiques ont également observé que certains marqueurs d’activité du système dopaminergique, qui joue un rôle central dans la motivation et la récompense, variaient en fonction des profils comportementaux des souris, notamment en réponse à une exposition à la nicotine. Ces résultats révèlent que les adaptations comportementales aux environnements sociaux peuvent influencer la sensibilité à la nicotine en modifiant la réactivité du système dopaminergique. Ce mécanisme pourrait jouer un rôle central dans la vulnérabilité à l’addiction, offrant une nouvelle perspective sur la façon dont les interactions sociales et les décisions individuelles façonnent la susceptibilité aux substances addictives.

Ces travaux soulignent l’importance d’étudier la variabilité individuelle dans les comportements et d’utiliser des environnements sociaux pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à l’addiction et les liens entre l’environnement social, les traits de personnalité et la sensibilité à la nicotine.

© Philippe Faure

Figure : Les animaux vivent en groupe au sein d’un environnement dit semi-naturel. Les animaux ont accès à une zone de test où, isolés de leurs congénères, ils peuvent choisir entre de l’eau sucrée et de l’eau simple, alors que la position de ces récompenses alterne entre droite et gauche. La stratégie de recherche de récompense (par exemple, ceux qui suivent le sucre ou ceux qui vont toujours du même côté) est liée à la manière dont les individus répondent à la nicotine.

En savoir plus : Fayad SL, Reynolds LM, Torquet N, et al. Individualistic reward-seeking strategies that predict response to nicotine emerge among isogenic male mice living in a micro-society. PLoS Biol. Published 2024 Oct 24. DOI: 10.1371/journal.pbio.3002850

Contact

Philippe Faure
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de plasticité du cerveau (CNRS/ESPCI PARIS)

Laboratoire

Plasticité du cerveau – PdC (CNRS/ESPCI PARIS – PSL)
10 Rue Vauquelin
Paris