Prix de la Fondation pour la recherche médicale 2024 : 3 biologistes du CNRS récompensées

Distinctions

Les Prix de la Fondation pour la Recherche Médicale soutiennent et récompensent chaque année quelques-uns des plus grands talents de la recherche française. Ils sont créés à l’initiative de mécènes, fortement investis dans la lutte contre la maladie, qui souhaitent associer leur nom ou celui de personnes proches, aux progrès de la recherche.

En 2024, 3 biologistes associées aux unités de recherche de CNRS Biologie ont reçu un prix de la Fondation pour la recherche médicale.

Les prix scientifiques 2024

Les Prix scientifiques distinguent des chercheurs qui, à travers l’originalité de leur parcours professionnel, contribuent au progrès de la connaissance et aux avancées de la recherche médicale d’aujourd’hui et de demain. Créés à l’initiative de donateurs grâce à un don, une donation ou un legs, ils sont destinés à soutenir des recherches spécifiques dans un domaine souhaité par ces derniers. Ils portent le nom du donateur ou celui d’un proche à qui il souhaite rendre hommage. Les lauréats des Prix scientifiques sont sélectionnés par des jurys spécialisés dont les membres appartiennent au Conseil scientifique de la Fondation pour la Recherche Médicale.

Rosa Cossart - Grand Prix

Dans le secret des circuits de l’hippocampe et de notre mémoire spatiale et temporelle

Rosa Cossart est directrice de recherche au CNRS, responsable de l’équipe « Développement des cartes cognitives de l’hippocampe » et elle dirige l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (INMED, Inserm – Aix-Marseille Université).

Ingénieure de l’École centrale de Paris et docteure en biophysique, elle est une experte mondialement renommée du développement de l’hippocampe, cette région du cerveau qui nous permet de nous repérer dans l’espace, d’ordonner et de mémoriser les événements de notre vie. L’équipe de Rosa Cossart a été pionnière dans l’exploration de la mise en place des réseaux de neurones qui constituent l’hippocampe au cours du développement.

Elle a ainsi montré le rôle central des toutes premières cellules nerveuses embryonnaires dans l’organisation des circuits de la mémoire présents à l’âge adulte. On sait que le développement du cerveau procède par étapes critiques depuis la conception jusqu’à l’âge adulte. Aussi cette approche permet-elle non seulement de comprendre l’agencement des circuits, mais aussi d’identifier les étapes et les mécanismes clés qui rendent cette structure cérébrale vulnérable aux troubles du développement. Les avancées, majeures, de l’équipe de Rosa Cossart sont nées de l’interdisciplinarité et de la combinaison de technologies de pointe. Récemment, l’équipe a notamment développé des techniques optiques grâce auxquelles il est possible de visualiser en direct l’activité neuronale dans le cerveau de rongeurs actifs. Elles ont permis de confirmer le rôle central de neurones « hubs » hyperconnectés découverts dès 2009 par l’équipe, pierre angulaire de ses travaux. Ils ont la propriété de synchroniser, durant le développement, les autres neurones, qui forment ainsi des réseaux travaillant ensemble. De plus, l’activité de ces neurones hubs est modulée par les stimuli sensoriels produits par les mouvements du fœtus, puis du nouveau-né. La synchronisation, qui intervient au cours de certaines périodes du développement cérébral, joue un rôle crucial dans la mise en place des circuits cérébraux. Ces neurones hubs semblent donc être les pivots d’un bon développement cérébral, mais aussi, potentiellement, des portes de susceptibilité aux troubles du neurodéveloppement. L’équipe a également montré que, chez l’adulte, ces neurones spécifiques continuent à assurer leur rôle de chef d’orchestre des circuits de l’hippocampe et à induire une réponse coordonnée des circuits cérébraux en réponse aux stimuli qui proviennent de notre environnement (sensations tactiles, lumière, etc.). En outre, à cet âge, l’hippocampe est constitué d’ensembles de neurones qui, activés simultanément, permettent d’ordonner nos expériences dans le temps et l’espace. Ainsi, au fil des découvertes, les secrets du fonctionnement de l’hippocampe sont peu à peu révélés. Dorénavant, l’objectif de Rosa Cossart est aussi de comprendre comment les troubles du développement perturbent cette orchestration. Avec l’espoir d’ouvrir la voie à de nouvelles approches pour diagnostiquer et traiter, à terme, des affections comme l’autisme, la schizophrénie ou l’épilepsie.

© Julie Bourges/FRM

Florence Besse - Prix Rachel Ajzen et Léon Iagolnitzer

Expliquer la formation des granules ARN liés au vieillissement cérébral

Florence Besse est directrice de recherche au CNRS, responsable de l’équipe « Contrôle post-transcriptionnel de la plasticité neuronale chez la drosophile » à l’Institut de Biologie Valrose, qu’elle dirige, à Nice. 

Elle consacre ses travaux à l’étude de la régulation des molécules d’ARN au cours du vieillissement cérébral. Produites à partir des gènes, elles sont les intermédiaires à partir desquelles les protéines nécessaires à la cellule sont synthétisées. Grâce à des études chez la drosophile – la mouche du vinaigre avec qui nous partageons de nombreuses similarités génétiques –, son équipe a découvert qu’au cours du vieillissement normal, des protéines et des molécules d’ARN s’agrègent, formant des granules qui grossissent à l’intérieur des neurones. La conséquence est une diminution des protéines produites à partir des ARN « séquestrés » dans les granules. Les investigations se poursuivent pour identifier précisément les molécules d’ARN impliquées et comprendre l’impact de ce phénomène sur le vieillissement du cerveau, notamment la diminution des capacités cognitives. Et comme de nombreuses maladies neurodégénératives liées au vieillissement – comme la sclérose latérale amyotrophique - sont associées à la formation d’agrégats toxiques riches en ARN et protéines, ces avancées pourraient mener vers de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à moduler la formation de ces agrégats au cours du vieillissement.

© Julie Bourges/FRM

Marie-Claude Potier - Prix Bernadette et Pierre Duban

Syndrome de Down : pourquoi un risque accru de maladie d’Alzheimer ?

Marie-Claude Potier est directrice de recherche au CNRS et coresponsable de l’équipe « Maladie d’Alzheimer et maladies à prions » à l’Institut du cerveau – ICM (Inserm - CNRS - AP-HP - Sorbonne Université), à Paris. Elle est membre correspondante de l’Académie nationale de médecine et Présidente de l’association de recherche internationale sur la trisomie 21 (T21RS).

Elle cherche à comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires qui expliquent le risque très élevé de développer une maladie d’Alzheimer précoce chez les personnes atteintes du syndrome de Down (encore appelé trisomie 21). Ce risque est essentiellement dû à la présence de trois copies du gène APP (au lieu des deux normalement présentes). La conséquence est la formation précoce de dépôts amyloïdes dans le cerveau, des agrégats de petites protéines anormales qui forment des lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. Ces dépôts, d’abord présents autour des neurones, se forment ensuite également dans les vaisseaux sanguins cérébraux et les fragilisent, provoquant des micro-saignements ou des hémorragies cérébrales. L’équipe de la chercheuse a notamment identifié des dépôts amyloïdes particuliers dans les parois des vaisseaux cérébraux ; leur détection pourrait servir au diagnostic précoce de l’atteinte vasculaire cérébrale. En outre, certains gènes présents sur le chromosome 21 additionnel de ces personnes semblent aggraver les agrégats de la protéine Tau, un autre type de lésions caractéristique de la maladie d’Alzheimer.  L’équipe poursuit ses travaux pour identifier les gènes en cause.

© Julie Bourges/FRM