Du nouveau sur l’origine de la tête des vertébrés

Résultats scientifiques Développement, évolution

Les vertébrés se distinguent par des structures complexes, notamment leur tête, qui a évolué pour une nutrition active. Dans un article publié dans Nature Communications, des scientifiques ont utilisé l’amphioxus, proche parent des vertébrés, pour comprendre les mécanismes qui ont permis cette complexification.

La tête des vertébrés : une structure complexe spécifique des vertébrés.

Les vertébrés se caractérisent par la présence de structures morphologiques extrêmement complexes par rapport aux autres chordés invertébrés. L'une de ces structures, peut-être la plus fascinante, est leur tête. Cette tête est constituée d'une série d'organes et de tissus qui se sont développés au cours de l'évolution en réponse à l'adaptation d'une forme passive à une forme active de nutrition. Parmi les tissus formant la tête, la musculature est sujette à de nombreuses interrogations. Cette musculature est issue du mésoderme, qui est, avec l’ectoderme et l’endoderme un des trois feuillets embryonnaires qui se forment au début du développement et génèrent l’ensemble des tissus du corps adultes.

Contrairement aux muscles du corps, qui se forment à partir de segments de mésoderme paraxial appelés somites, les muscles de la tête se développent à partir du mésoderme pharyngien non segmenté et de la plaque préchordale. 


Etudier l’amphioxus pour comprendre comment s’est formée la tête des vertébrés.

Ce développement des muscles à partir d'un territoire non segmenté est une caractéristique spécifique des vertébrés, et chez les céphalochordés (i.e. amphioxus), des invertébrés très proches des vertébrés, le mésoderme paraxial est segmenté tout le long du corps, caractéristique proposée comme ancestrale.

L'apparition de nouvelles structures morphologiques ou de nouveaux tissus peut être liée à l'évolution de nouveaux types cellulaires résultant du remaniement des réseaux de régulation génétique pendant le développement embryonnaire. Ainsi, pour tenter de formuler des hypothèses sur l'apparition de ces muscles spécifiques des vertébrés, ceux de la tête, les scientifiques ont utilisé la technologie scRNA-seq (séquençage du transcriptome à l'échelle de la cellule unique) pour construire un atlas cellulaire de la neurula de l'amphioxus, un stade de développement au cours duquel se spécifient les principaux compartiments mésodermiques. Les données obtenues ont permis de proposer une hypothèse concernant l'histoire évolutive des muscles de la tête des vertébrés. Ainsi, il a été mis en évidence la présence, chez l'amphioxus, d'un territoire similaire à la plaque préchordale des vertébrés, et il a été démontré l'homologie entre des territoires spécifiques des somites d'amphioxus et le mésoderme pharyngien et latéral des vertébrés. Dans ce scénario évolutif, publié récemment dans Nature Communications, l'apparition des structures mésodermiques spécifiques de la tête des vertébrés aurait été associée à la fois à la ségrégation de populations cellulaires préexistantes chez leur ancêtre et à la cooptation de nouveaux gènes pour le contrôle de la formation de « nouveaux » muscles.

© Nature Communications / Hector Escriva

Figure : Atlas des types cellulaires de la neurula d'amphioxus.
A. Projection bidimensionnelle des clusters de cellules (« métacellules »). Les « métacellules » sont codées par couleur selon le type cellulaire. B. Diagrammes circulaires montrant la fraction des cellules assignées à chaque type cellulaire parmi les transcriptomes obtenus (en haut) ; et reconstruction 3D de la neurula d’amphioxus avec l'affectation des noyaux à chaque feuillet embryonnaire (en bas). Une section transversale est montrée à gauche, et des vues dorsales à droite avec la partie antérieure en haut (vue complète, sans noyaux de l'épiderme et sans noyaux de l'épiderme et des cellules nerveuses).

Pour en savoir plus :
An amphioxus neurula stage cell atlas supports a complex scenario for the emergence of vertebrate head mesoderm
Grau-Bové X, Subirana L, Meister L, Soubigou A, Neto A, Elek A, Naranjo S, Fornas O, Gomez-Skarmeta JL, Tena JJ, Irimia M, Bertrand S, Sebé-Pedrós A, Escriva H.
Nature Communications. 29 mai 2024; DOI : 10.1038/s41467-024-48774-4. PMID : 38811547; PMCID : PMC11136973.

Contact

Hector Escriva
Chercheur CNRS au Laboratoire biologie intégrative des organismes marins (BIOM) - (CNRS/Sorbonne Université)

Laboratoire

Biologie Intégrative des Organismes Marins (CNRS / Sorbonne Université)
Observatoire océanologique
Avenue Pierre Fabre
66650 BANYULS-SUR-MER