Le neuropeptide CGRP : un nouvel acteur dans la lutte contre la Covid-19

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

Le neuropeptide « calcitonin gene-related peptide » (CGRP) est un puissant vasodilatateur et immunomodulateur, sécrété par des neurones périphériques sensoriels innervant les voies respiratoires. Dans une étude publiée dans Journal of Virology des scientifiques révèlent une nouvelle fonction antivirale du CGRP. Cette activité bénéfique du CGRP représente un nouveau mécanisme de protection qui pourrait être exploité pour la gestion de la COVID-19.

Le CGRP, un neuropeptide aux multiples facettes
 

Le CGRP est un puissant vasodilatateur, entraînant des effets opposés dans différentes pathologies, par exemple induisant la migraine mais protégeant des maladies cardiovasculaires. Ce neuropeptide est sécrété par les neurones périphériques sensoriels transmettant la douleur et appelés nocicepteurs, qui innervent tous les organes et tissus internes. Lors de sa sécrétion au niveau de la muqueuse, le CGRP est également impliqué dans des interactions neuro-immunes indépendamment de sa fonction vasodilatatrice mais qui affectent directement le fonctionnement de diverses cellules immunitaires. Un regain d'intérêt pour le CGRP a permis de révéler ses rôles importants et méconnus au cours de l'infection, Par exemple, dans des études précédentes, les scientifiques avaient découvert que le CGRP exerçait une fonction antivirale robuste. En effet, en agissant sur les cellules de Langerhans, cellules présentatrices d'antigènes, le CGRP inhibe fortement leur infection par des virus sexuellement transmissibles.

Le CGRP est abondant dans les voies respiratoires, où il est sécrété à la fois par les nocicepteurs innervant les poumons et par les cellules neuroendocrines pulmonaires (PNEC). En raison de ses effets antihypertenseurs et anti-inflammatoires, le CGRP pourrait contrôler de multiples aspects de la physiopathologie pulmonaire liée à la COVID-19.

Un potentiel thérapeutique dans la lutte contre la Covid-19
 

Dans un article publié dans la revue Journal of Virology, les scientifiques ont cherché à savoir si la fonction antivirale du CGRP s’étendait aux virus respiratoires, en se concentrant sur le SRAS-CoV-2. En collaboration avec plusieurs cliniciens, les scientifiques montrent que chez les patients atteints par la COVID-19 critique, le CGRP est augmenté dans les lavages broncho-alvéolaires (LBA). Plus précisément, les niveaux de CGRP dans les LBA sont élevés lorsque les patients sont positifs au SRAS-CoV-2, et reviennent à leur valeur initiale chez les patients devenant par la suite négatifs au SRAS-CoV-2. Les scientifiques montrent aussi, par des études in vitro sur la lignée cellulaire épithéliale bronchique Calu-3,que le CGRP inhibe directement l'infection par les variants Omicron et Alpha du SRAS-CoV-2, que le neuropeptide soit ajouté avant ou après l'infection. Une telle inhibition implique l’activation du récepteur CGRP, conduisant à une diminution de l'expression de surface des récepteurs d’entrée du SRAS-CoV-2.

L’ensemble de ces résultats sur le contrôle de la réplication du SRAS-CoV-2 par le CGRP suggère que le CGRP induit un mécanisme de protection endogène et bénéfique, similaire à celui observé dans d’autres pathologies pulmonaires (par exemple l’asthme et la mucoviscidose). En conséquence, un CGRP pulmonaire élevé ne provoque pas de dommages mais constitue plutôt une réponse protectrice compensatoire, médiant une clairance du SRAS-CoV-2 bénéfique chez les patients atteints par la COVID-19 critique. Les scientifiques proposent maintenant que les formulations contenant du CGRP, ou induisant sa sécrétion, pourraient être utiles dans la prévention et le traitement de la COVID-19 critique, en complément des vaccins contre la COVID-19 et des médicaments antiviraux contre le SRAS-CoV-2.

© Yonatan GANOR

Figure : Le CGRP inhibe l’infection par le SRAS-CoV-2. L'épithélium bronchique pseudostratifié est constitué de différents types de cellules épithéliales telles que les cellules sécrétoires et ciliées (1). Il contient également des PNECs (2) et est innervé par les nocicepteurs (3) qui sont les deux principales sources cellulaires sécrétant du CGRP dans les poumons. Pendant la COVID-19, le SRAS-CoV-2 infecte principalement les cellules épithéliales ciliées (4), entraînant des lésions et une tempête de cytokines. La présente étude révèle que le CGRP diminue l'expression des récepteurs d'entrée du SRAS-CoV-2 dans les cellules épithéliales bronchiques, inhibant ainsi leur infection productive par le SRAS-CoV-2 (5).

En savoir plus : CGRP inhibits SARS-CoV-2 infection of bronchial epithelial cells and its pulmonary levels correlate with viral clearance in critical COVID-19 patients.  Caio César Barbosa Bomfim, Hugo Genin, Andréa Cottoignies-Callamarte, Sarah Gallois-Montbrun, Emilie Murigneux, Anette Sams, Arielle R Rosenberg, Sandrine Belouzard, Jean Dubuisson, Olivier Kosminder, Frédéric Pène, Benjamin Terrier, Morgane Bomsel, Yonatan Ganor. Journal of Virology. 2024. DOI: 10.1128/jvi.00128-24 

Contact

Yonatan Ganor
Directeur de recherche CNRS

Laboratoire

Institut Cochin (CNRS/Inserm/Université Paris Cité)
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75014 Paris