Eduardo Rocha
Une médaille d’argent pour Eduardo Rocha et l’étude de l’évolution des génomes bactériens
Eduardo Rocha, directeur du laboratoire de Génétique des génomes, explore les mécanismes moléculaires qui génèrent la diversité génétique chez les bactéries. Il est maintenant récompensé par la médaille d’argent du CNRS pour ses travaux sur les transferts de gènes entre bactéries.
Comment une bactérie s’adapte-t-elle à des défis environnementaux ? Cette question est au cœur des travaux d’Eduardo Rocha, chercheur en génomique au laboratoire de Génétique des génomes (CNRS/Institut Pasteur). « Je m’intéresse aux mécanismes moléculaires qui contribuent à l’évolution des bactéries. Je regarde en particulier leurs interactions avec des éléments génétiques mobiles », explique-t-il. Les éléments génétiques mobiles sont des parasites des bactéries qui, parfois, emportent des gènes d’une bactérie à l’autre, contribuant ainsi à leur évolution. Comprendre le fonctionnement de ces transferts de gènes est particulièrement important lorsque les bactéries en question sont des pathogènes qui peuvent éventuellement évoluer vers plus de virulence. Eduardo Rocha explore donc la manière dont la dynamique des génomes conditionne l’émergence de la résistance aux thérapies antibactériennes.
Avec son équipe, le chercheur a identifié une sorte de chaîne hiérarchique de relations fonctionnelles entre ces éléments génétiques mobiles. Par exemple, de petits plasmides vont agir comme des parasites ou des symbiotes et profiter de la capacité de plasmides conjugatifs plus grands à se déplacer entre les bactéries. Ce processus transmet donc plusieurs éléments génétiques mobiles à la suite, résultant dans le transfert de nombreux gènes. L’enjeu des recherches d’Eduardo Rocha et de ses collègues est alors de comprendre la nature de ces éléments, leurs caractéristiques et la façon dont ils opèrent au sein des cellules.
« Ce qui est passionnant, c’est que cette alliance entre la bactérie et un élément génétique mobile peut basculer à tout moment. Il s’agit d’une relation de tension permanente », confie le chercheur. Par exemple, les chercheurs ont démontré qu’un facteur de virulence sous forme de toxines peut être apporté par un phage à son hôte. Quand le virus intègre la bactérie, un programme génétique décide entre la possibilité de se répliquer immédiatement (et donc tuer la bactérie) ou rester dormant pendant plusieurs générations tout en avantageant la bactérie. À Eduardo Rocha de préciser : « Ce système glisse dans un continuum entre parasitisme et mutualisme. Cela pose des questions fascinantes : comment l’élément détermine que l’hôte n’est pas viable ? Comment la bactérie essaye de contrôler ces éléments ? ». Ces recherches permettent aussi bien de comprendre pourquoi certains variants sont plus virulents que d’autres au sein d’une même espèce que la façon dont, en 50 ans, certaines bactéries sont devenues résistantes à presque tous les antibiotiques connus.