La migration des macrophages : un mécanisme qui déroge à la règle

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

Dans un article publié dans EMBO J., des scientifiques démontrent que la migration des macrophages peut se faire sans les protéines ERM pourtant considérées jusqu’ici comme indispensable à toute migration cellulaire. Leurs résultats démontrent que des mécanismes spécifiques sont à l’œuvre dans ces cellules clefs de notre système immunitaire.

Les protéines de la famille ERM indispensables à la migration cellulaire…

Chaque cellule de notre corps est séparée du milieu extérieur qui l’entoure par une membrane appelée membrane plasmique. Juste en dessous de la membrane plasmique, se trouve le cortex cellulaire, qui donne sa forme à la cellule. Il est composé d’un réseau dynamique de filaments d’actine, qui permet à la cellule à changer de forme, se diviser ou se déplacer. Parmi les composantes du cortex, on trouve la famille des protéines ERM, pour Ezrine, Radixine et Moésine. Ces protéines jouent un rôle central dans toutes ces fonctions en établissant un lien mécanique entre la membrane plasmique et les filaments d'actine.

Sauf dans les macrophages….

Les macrophages sont indispensables à la réponse immunitaire, à la réparation tissulaire, et dans certains contextes pathologiques, à l’aggravation de la maladie, comme cela a été démontré dans de nombreux cancers. Il est donc crucial de comprendre comment les macrophages se déplacent dans les tissus afin de pouvoir bloquer ce processus lorsque cela est nécessaire

Dans un article publié dans la revue EMBO J., les scientifiques en voulant étudier les mécanismes sous-jacents à cette migration, découvrent que la délétion des trois protéines de la famille ERM n’induit pas de perturbation de la migration des macrophages, alors que l’on pensait que leur rôle dans ce mécanisme présentait un caractère universel.

En effet, les scientifiques ont généré des macrophages mutants dans lesquels chacune des ERM est supprimée individuellement ou simultanément. Ces macrophages mutants ont été obtenu en utilisant la technologie CRISPR/Cas9 dans un modèle cellulaire novateur permettant notamment de générer le premier triple mutant des ERM. De manière très surprenante, en l'absence d'ERM, les macrophages n’ont aucun défaut de migrations. De plus, et contrairement à tous les autres types de cellules étudiés précédemment, la perte des ERM dans les macrophages n'affecte pas la mécanique de leur cortex cellulaire. Ces résultats remettent en question l'idée que les ERMs sont universellement essentielles à la mécanique du cortex et la migration cellulaire et soutiennent l'idée que le cortex des macrophages peut avoir divergé de celui d'autres cellules pour permettre leur plasticité corticale adaptative. En effet les macrophages représentent un des rare type cellulaire à être présents dans tous les tissus de l’organisme. Il est donc probable que pour être capable de cela en toutes circonstances, ils disposent d’autres moyens alternatifs pour remplir une fonction nécessaire à la survie de notre organisme dont les mécanismes restent à découvrir.

© Perrine Verdys et Renaud Poincloux

Figure : La triple délétion des ERM n'a pas d'influence sur la formation et la dynamique des structures d'actine des macrophages. La coloration de l'actine des macrophages WT (bleu) et ERM-triple knock out (rouge) pseudo-colorés en fonction de leur identification à l'aide de traceurs cellulaires n'a montré aucune différence dans la morphologie cellulaire, la surface cellulaire, la circularité ainsi que le nombre, la longueur et la dynamique des structures d'actine telles que les filipodes et les podosomes. Les cellules noires, dont la coloration du traceur cellulaire était trop faible pour être identifiée, ont été éliminées de l'analyse.

En savoir plus : Ezrin, radixin, and moesin are dispensable for macrophage migration and cortex mechanics. Perrine Verdys, Javier Rey Barroso, Adeline Girel, Joseph Vermeil, Martin Bergert, Thibaut Sanchez, Arnaud Métais, Thomas Mangeat, Elisabeth Bellard, Claire Bigot, Catherine Astarie-Dequeker, Arnaud Labrousse, Jean-Philippe Girard, Isabelle Maridonneau-Parini, Christel Vérollet, Frédéric Lagarrigue, Alba Diz-Muñoz, Julien Heuvingh, Matthieu Piel, Olivia Du Roure, Véronique Le Cabec, Sébastien Carréno, Renaud Poincloux. EMBO J (2024) https://doi.org/10.1038/s44318-024-00173-7

Contact

Véronique Le Cabec
Chercheur CNRS
Sébastien Carréno
Professeur Université de Montréal

Laboratoires

Institut de pharmacologie et biologie structurale - IPBS (CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier)
205 Route de Narbonne
31077 Toulouse Cedex

Institut de recherche en immunologie et en cancérologie - IRIC (Université de Montréal) 
Pavillon Marcelle-Coutu, 3306-5
Montréal, Canada