Organisation des chromosomes en méiose

Résultats scientifiques Génétique, génomique

Lors de la méiose, division cellulaire assurant la formation des cellules reproductrices, un programme de recombinaison homologue permet la ségrégation des chromosomes et génère de la diversité génétique. Au niveau moléculaire, ceci nécessite une coordination entre les échanges au niveau de l’ADN et l’organisation tridimensionnelle des chromosomes. Dans un article publié dans Molecular Cell, des scientifiques identifient les facteurs protéiques et génomiques impliqués dans cette coordination et proposent un modèle pour leur mise en place.

Lors de la méiose, les chromosomes maternels et paternels adoptent une organisation spécifique pour effectuer les événements d’échanges par recombinaison homologue. Cette organisation est caractérisée par la formation de boucles ancrées par une structure constituée de complexes de protéines, appelée axe. Parmi les protéines impliquées, on note les cohésines, SYCP2/3 et HORMAD1/2. Ainsi, un chromosome de souris de 100Mb est structuré en une centaine de boucles d'environ 1Mb chacune. Les événements de recombinaison ont lieu en des sites spécifiques dans le génome, qui chez la souris et l’homme, correspondent aux sites de fixation de la protéine PRDM9.  

Relation entre l’organisation des boucles et la recombinaison homologue
 

Une des questions centrales est de comprendre les relations entre l’organisation des boucles et la recombinaison et donc de déterminer si des sites génomiques spécifiques sont situés à la base des boucles et où sont localisés les sites de recombinaison par rapport aux boucles.

Les scientifiques ont abordé cette question en déterminant les sites de fixation dans le génome de spermatocytes de souris de deux protéines de structure des axes (HORMAD1 et SYCP3) et deux protéines de recombinaison (MEI4 et IHO1). Celles-ci sont indispensables à l’étape de formation de cassures double-brins de l’ADN qui initient la recombinaison homologue en méiose.

Ces expériences ont été effectuées par immunoprécipitation de chromatine et séquençage (ChIP-Seq), dans différents contextes génétiques, complétées par des analyses par imagerie.

Les résultats montrent que les bases des boucles correspondent préférentiellement aux sites de fixation de la protéine CTCF, connue pour son rôle d’organisation des chromosomes dans les cellules somatiques et aux sites enrichis en H3K4me3 (Histone H3 triméthylée sur la lysine 4), donc en grande partie les promoteurs. En outre, il est observé que les sites de fixation de PRDM9 sont également en interaction avec les protéines des axes. De manière intéressante, l’activité méthyltransférase de PRDM9 est requise pour cette interaction. Il est proposé que PRDM9 recrute directement ou indirectement la protéine MEI4, puis IHO1 et les protéines des axes HORMAD1 et SYCP3.

L’organisation des boucles de chromatine est régulée par des séquences génomiques
 

Les implications de ces données sont que l’organisation des boucles de chromatine n’est pas stochastique mais régulée par des séquences génomiques (sites CTCF et H3K4me3) avec des protéines en interactions sur ces sites et que la protéine PRDM9 organise la localisation de ses sites sur les axes chromosomiques. Par conséquent, la formation des CDBs s’effectue à proximité des axes, et cette localisation permet une régulation de la formation et réparation des CDBs. Les scientifiques ont détecté en outre un recrutement des protéines HORMAD1 et SYCP3 après la formation des CDBs, un mécanisme qui sans doute contribue à la régulation de la réparation des CDBs, étape cruciale lors de la méiose. Ils proposent un modèle pour la mise en place de cette organisation qui pourraient s’appliquer à d’autres organismes.

© Corinne GREY

Figure : Chez la souris, en début de prophase de méiose les chromosomes sont organisés en boucles de chromatine associées à un axe, formé entre les deux chromatides sœurs. La formation de cette structure est régulée par des séquences génomiques et les protéines qui leur sont associées (CTCF, PRDM9, H3K4me3). Les sites PRDM9, sont aussi les sites de recombinaison : les cassures double brin sont formées et réparées sur l’axe.

En savoir plus : Biot M, Toth A, Brun C, Guichard L, de Massy B, Grey C. Principles of chromosome organization for meiotic recombination. Mol Cell. 2024;84(10):1826-1841.e5. DOI: 10.1016/j.molcel.2024.04.001

Contact

Corinne Grey
Chargée de recherche CNRS

Laboratoire

Institut de génétique humaine - IGH (CNRS/Université de Montpellier)
141 rue de la Cardonille
34396 Montpellier cedex 05