Synergie évolutive pour l’acclimatation au stress chez les plantes

Résultats scientifiques Biologie végétale

Dans un article publié dans la revue Science Advances, des scientifiques décrivent un nouveau mécanisme permettant aux plantes d’optimiser leur photosynthèse, offrant ainsi des perspectives nouvelles pour le développement d’une agriculture plus résiliente aux changements climatiques. Les résultats démontrent la synergie existante entre une voie de signalisation d’origine bactérienne avec une plus récente propre aux eucaryotes.

La photosynthèse, fondamentale à la vie sur Terre, s'est d’abord développée chez les cyanobactéries il y a 2,5 milliards d’année. Ces bactéries sont les ancêtres des chloroplastes, organites permettant aux plantes actuelles de convertir le carbone du CO2 en sucres à l’aide de la lumière du soleil. Grace à cette symbiose, les plantes ont développé une capacité unique leur permettant de moduler l’activité photosynthétique en réponse aux variations de leur environnement.  Cette modulation est liée à la synthèse du nucléotide ppGpp (guanosine tetraphosphate), réalisée par les enzymes RSH. Ces dernières, héritées des bactéries, sont aujourd’hui intégrées dans le fonctionnement des chloroplastes.

Indépendamment de cette première adaptation, un autre mécanisme d’importance a évolué chez tous les eucaryotes (plantes et animaux) . Ce mécanisme, plus récent d’un point de vue évolutif, est basé sur l’activité d’une protéine kinase, appelée TOR (Target of Rapamycin). Cette kinase est une enzyme capable d’ajouter des phosphates à d’autres protéines, modulant leur activité en fonction des signaux émis par l’environnement comme la présence de nutriments tels que les sucres mais aussi de différents types de stress environnementaux.

Héritage croisé issu de l’évolution des bactéries et des eucaryotes

« Par la découverte de ce mécanisme nous sommes parvenus à démontrer que chez les plantes, les systèmes ppGpp provenant des bactéries, et TOR provenant des eucaryotes, non seulement coexistent mais sont également moléculairement interconnectés », pointe Ben Field,.

En effet, la protéine kinase TOR, en condition normale, réprime l’enzyme RSH3. A contrario, dans certaines conditions de stress TOR est inhibé, libérant RSH3 qui peut alors synthétiser le ppGpp. Le ppGpp réduit l’activité de la photosynthèse, ce qui diminue la production des sucres pour répondre au ralentissement de la croissance.

 « Cette régulation croisée entre le système hérité des eucaryotes et celui des bactéries, démontre une remarquable synergie évolutive qui a permis aux plantes de s’adapter en maintenant l’équilibre de leur croissance et de leur métabolisme énergétique malgré les fluctuations environnementales et nutritionnelles », complète le chercheur.

Du fait de leurs origines évolutives très anciennes, les deux systèmes TOR et ppGpp influent directement ou indirectement sur des processus très divers : en plus de la photosynthèse et de la croissance, ils jouent un rôle sur la réponse au stress hydrique ou à la présence de pathogènes.

Appliquée aux plantes cultivées, à l'aide de biotechnologies telles que l'édition du génome, cette découverte ouvre la voie vers le développement de plantes résistantes aux « multistress », une caractéristique recherchée par les sélectionneurs de plantes

© Stefano D'Alessandro, Ben Field

Figure : Feuilles de Nicotiana benthamiana obtenues par microscopie à fluorescence montrant comment la phosphorylation affecte la localisation d'une partie de RSH3 fusionnée à la protéine fluorescente verte (GFP). À gauche, localisation d'une forme phospho-mimique ressemblant à la version phosphorylée de RSH3. À droite, localisation d'une forme phospho-déficiente, dépourvue de phosphorylation dépendante de TOR. N, noyau ; c, chloroplastes

Pour en savoir plus :
Posttranslational regulation of photosynthetic activity via the TOR kinase in plants
S. D’Alessandro, F. Velay, R. Lebrun, D. Zafirov, M. Mehrez, S. Romand, R. Saadouni, C. Forzani, S. Citerne, M-H. Montané, C. Robaglia, B. Menand, C. Meyer, B. Field
Science Advences, 19 juin 2024, DOI: 10.1126/sciadv.adj3268

 

Contact

Ben Field
chercheur CNRS, directeur de recherche au sein du BIAM

Laboratoire

Institut Biosciences et Biotechnologie d'Aix-Marseille - BIAM (CNRS / Aix-Marseille université / CEA)
TPR2 9eme etage bloc 1
163 Avenue de Luminy
13009 Marseille - France