Des algorithmes intelligents pour mieux comprendre le contrôle de l’expression des gènes
Dans un article publié dans la revue Nature Structural and molecular Biology, les scientifiques ont développé des algorithmes intelligents pour analyser la trajectoire des molécules impliquées dans la réorganisation du génome. Ils ont ainsi montré que le repliement de l'ADN est contrôlé dynamiquement par des protéines de remodelage, permettant le contrôle de l'expression commune de gènes à petite et longue distances.
La chromatine qui est constituée d’ADN et de protéines est repliée sur elle-même dans le noyau des cellules. Ce repliement est bouleversé en permanence par des molécules de remodelage qui se lient et se délient à la chromatine, permettant le contrôle de l’expression différenciée des gènes.
Dans ce travail, les scientifiques développent des algorithmes de classification automatique de trajectoires moléculaires. Grace a cet algorithme, ils montrent qu’une des molécules, appelée NuRD et qui participe à ce remodelage peut se lier à la chromatine pendant de longues périodes (quelques minutes) et décompacter la structure de la chromatine, l'ADN devient plus accessible et peut être plus facilement lu, copié ou modifié par la cellule.
Ils ont également fait une découverte inhabituelle concernant le comportement des activateurs génétiques, des éléments moléculaires qui activent l'expression des gènes, liés à la protéine NuRD. Dans cet état rare, ces derniers provoquent un mouvement rapide de la chromatine décondensée, rendant l'ADN plus accessible et moins enroulé. En effet la protéine NuRD régule la proximité entre deux éléments importants de la chromatine : l'activateur (également appelé enhancer) et le promoteur, qui démarre le processus de transcription de l'ADN en ARN messager pour produire des protéines. En modulant la proximité entre l'activateur et le promoteur, NuRD permet à ces deux éléments de se rapprocher et d'interagir même sur de plus longues distances dans la chromatine. Cela peut avoir un impact sur la régulation de l'expression génique, car la proximité entre l'activateur et le promoteur est importante pour que le gène soit activé.
Des gènes susceptibles de rester activés pendant de plus longues périodes de temps
En outre, NuRD entraîne une redistribution marquée des protéines architecturales du génome. Ainsi, lorsque la structure de l'ADN (appelée chromatine) se détend et se déroule rapidement, les interactions entre les parties de l'ADN qui activent les gènes et les parties qui démarrent la copie des gènes (appelées activateur et promoteur) sont moins souvent réinitialisées. Cela signifie que ces interactions restent plus stables et durent plus longtemps, ce qui peut permettre une régulation génique plus efficace. En d'autres termes, lorsque la chromatine est décondensée et bouge rapidement, les gènes sont plus susceptibles de rester activés pendant de plus longues périodes de temps.
Les scientifiques ont de surcroît montré que le complexe NuRD modifie l'architecture des chromosomes en augmentant la probabilité de contacts intermédiaires à l'échelle des Domaines Topologiques (qui representent des sous-regions chromosomales ou des gènes sont exprimés ensembles). Cette modification entraîne un effacement des frontières entre les compartiments de ces Domaines Topologiques dans les cellules. En modifiant la protéine NuRD, ils ont également montré que les interactions activateur-promoteurs ont tendance à relier des régions génomiques séparées par de plus grandes distances. En outre, ils ont constaté que le complexe NuRD entraîne une redistribution marquée de molécules d’architecture, comme CTCF et (en particulier) de la cohésine, une proportion significative des sites de liaison CTCF/Cohésine qui se forment lorsque le complexe NuRD interagit ensemble se trouvant à proximité des gènes régulés par NuRD.
Des observations qui pourraient aider à expliquer certaines anomalies dans le développement des cellules embryonnaires
Pour les scientifiques, l'absence de fonctionnement normal de NuRD dans les cellules embryonnaires peut provoquer des erreurs dans le processus de transcription génique, conduisant à une augmentation du bruit transcriptionnel, ou transcription inappropriée de faible niveau. C'est-à-dire à la production d'ARN inappropriés ou incorrects observée chez l’Homme, la souris et le rat. Cette observation pourrait aider à expliquer certaines anomalies dans le développement des cellules embryonnaires.
En savoir plus :
S. Basu*, O. Shukron*, D. Hall, P. Parutto, A. Ponjavic, D. Shah, W. Boucher, D. Lando, W. Zhang, N. Reynolds2, L. H. Sober1, A. Jartseva, R. Ragheb, X. Ma, J. Cramard, R. Floyd, J. Balmer, T. A. Drury, A. R. Carr, L.-M. Needham, A. Aubert, G. Communie, K. Gor, M. Steindel, L. Morey, E. Blanco, T. Bartke, L. Di Croce, I. Berger, C. Schaffitzel, S. F. Lee, T. J. Stevens, D. Klenerman *, B. D. Hendrich*, D. Holcman*, E. D. Laue*,
Live-cell 3D single-molecule tracking reveals how NuRD modulates enhancer dynamics in Nature Struct. and Mol. Biology, 2023
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