Le chromosome Y ne raccourcit pas la durée de vie des mâles

Résultats scientifiques Génétique, génomique

De nombreuses espèces présentent des différences de durée de vie entre les sexes. Un modèle populaire pour expliquer cette observation est que les chromosomes sexuels contribuent au vieillissement par un effet « toxique » du chromosome Y. Cette hypothèse suggère que la présence du chromosome Y contribue à la longévité réduite des individus XY. Une nouvelle étude publiée dans Nature Ecology and Evolution démontre que chez la drosophile, le chromosome Y n'a aucun impact sur la longévité masculine. Cette découverte réfute l'hypothèse selon laquelle ce chromosome a un effet toxique et raccourcit la durée de vie des hommes.

De nombreuses espèces présentent des différences de durée de vie entre mâles et femelles. Un modèle populaire pour expliquer cette observation est que les chromosomes sexuels contribuent au vieillissement par un effet « toxique » du Y. Cette hypothèse largement répandue suggère que la présence du chromosome Y impacte la longévité des hommes. Par exemple, chez les lions, les éléphants d'Asie ou les orques, les femelles XX, vivent plus longtemps que leurs homologues mâles XY. Chez l’espèce humaine, les individus XX vivent en moyenne 7 % plus longtemps que les individus XY. Par rapport à une population contrôle, les individus avec un caryotype XXY (syndrome de Klinefelter) ont une réduction de 2 ans de longévité, et ceux avec un caryotype XYY ont une réduction encore plus grande. Ces données suggèrent donc un effet négatif du Y sur la longévité chez les être humain. Fait intéressant, certaines classes d'animaux montrent un effet opposé. Chez certains oiseaux et reptiles, les mâles possèdent des chromosomes ZZ tandis que les femelles sont ZW, le W étant équivalent au chromosome Y. Dans ces espèces, les mâles ZZ survivent aux femelles, leur longévité pouvant être beaucoup plus longue. Cette observation s'étend également à un autre règne du vivant : les plantes dioïques avec des chromosomes sexuels, chez qui les individus XY ont une durée de vie réduite. Ces études corrélatives suggèrent que le chromosome Y pourrait être responsable des différences de longévité entre les sexes. Cependant, cette hypothèse n’a jamais été testée expérimentalement.

Chez Drosophila melanogaster comme dans les autres espèces citées précédemment, les individus femelles XX vivent 10% plus longtemps que les males XY. Pour interroger directement cette théorie du « Y toxique » les scientifiques ont généré des tissus et des lignées de drosophile dans lesquels ils ont directement manipulé la taille et le nombre de chromosomes Y à l'aide d’une méthode innovante utilisant CRISPR-Cas9.

Grâce à cette approche génétique, ils ont découvert que modifier le nombre ou la taille du chromosome Y n'avait aucun impact sur la longévité masculine. Cette découverte réfute l'hypothèse selon laquelle le chromosome Y a un effet toxique et raccourcit la durée de vie des mâles. En utilisant les mêmes manipulations génétiques, les scientifiques montrent que le chromosome Y n’est pas non plus important pour d'autres différences physiologiques clés entre les sexes, comme par exemple les différences entre les sexes dans le comportement des cellules souches somatiques adultes et les cancers intestinaux. Les implications de ces découvertes sont considérables car des différences de longévité entre les sexes sont observées chez la plupart des animaux, y compris les humains. Dans l'ensemble, ces résultats rejettent l'hypothèse du "Y toxique" qui postule que le chromosome Y entraîne une durée de vie réduite chez les individus XY.

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© Julien Marcetteau et Bruno Hudry

Figure : Des chromosomes Y de différentes tailles ont été produits à l'aide de CRISPR-Cas9 chez la drosophile. La présence ou la taille du chromosome Y n'entraîne pas de diminution de la longévité chez les mâles, et n’affecte pas non plus les dimorphismes sexuels de taille et d’incidence de développement de cancers intestinaux.

Pour en savoir plus :
Y chromosome toxicity does not contribute to sex-specific differences in longevity.
Delanoue R, Clot C, Leray C, Pihl T, Hudry B.
Nat Ecol Evol. 2023 Jun 12. DOI: 10.1038/s41559-023-02089-7PMID: 37308701

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