Un microbiote intestinal sous contrôle
L’influence du microbiote intestinal sur la santé est maintenant bien documentée. Toutefois, comment ces communautés microbiennes s’établissent et agissent sur notre biologie reste encore mal compris. La mise en place de nouveaux modèles précliniques mammifères à microbiote contrôlé permet d’aborder ces questions expérimentalement. Une étude publiée dans la revue Nature Communications décrit le design et la caractérisation d’un microbiote murin minimal composé que 15 souches bactériennes qui lorsqu’il est transféré à un animal dépourvu de microbiote s’implante efficacement, réside durablement chez son hôte et ses descendants et restaure de nombreuses fonctionnalités développementales, métaboliques, endocriniennes et immunitaires liées à l’activité du microbiote intestinal.
A l’état naturel, les communautés microbiennes qui peuplent nos intestins sont constituées de centaines de membres qui établissent des interactions multiples entre elles et leur hôte. Ces interactions sont nécessaires à la bonne marche de cet écosystème microbien et elles façonnent et soutiennent le bon développement et le fonctionnement efficace de notre organisme. Elles participent ainsi à notre bonne santé. Bien que cette influence bénéfique du microbiote intestinal sur la santé soit maintenant bien documentée, la complexité de ce système biologique rend son étude expérimentale difficile et l’établissement de liens de causalité entre fonctionnalités microbiennes et biologie animale incertain. Aussi la compréhension de comment ces communautés microbiennes s’établissent, fonctionnent et agissent sur notre biologie reste encore assez parcellaire.
Pour contourner cette complexité, les scientifiques, en collaboration avec l’Institut de Recherche Technologique BIOASTER et l’Institut de Microbiologie de l'Académie des Sciences de la République Tchèque, ont adopté une démarche réductionniste en développant un nouveau modèle animal appelé « GnotoMice15 » (GM15). Il s’agit de souris de laboratoire porteuses d’un microbiote intestinal minimal composé de 15 souches bactériennes isolées du microbiote intestinal de souris de laboratoire. Ces souches sont cultivables, traçables et représentatives de 7 des 20 familles bactériennes dominantes du microbiote intestinal de la souris. Leur génome est totalement décrypté et les fonctionnalités codées par celui-ci sont détaillées. Cette communauté bactérienne contrôlée permet un suivi longitudinal et une manipulation à façon du microbiote intestinal inégalée à ce jour. Elle s’implante efficacement, réside à long terme et de manière stable chez des animaux adultes dépourvus de microbiote. Elle est aussi transmise efficacement à la descendance et est résiliente lors de légers changements nutritionnels liés à des pratiques d’élevages distinctes. Enfin, cette communauté microbienne, malgré sa simplicité, récapitule les fonctions d’un microbiote plus complexe en restaurant efficacement de nombreuses fonctionnalités développementales, métaboliques, endocriniennes et immunitaires qui sont altérées chez des individus dépourvus de microbiote intestinal.
Les performances de ce nouveau modèle expérimental ont été comparées à d’autres modèles murins à microbiote minimal plus simple précédemment établis, permettant de distinguer les caractéristiques fonctionnelles de chacun de ces modèles. Enfin, il est démontré que ce modèle est efficacement transférable entre différentes animaleries expérimentales. Dans l’ensemble, ce travail établit un nouveau modèle murin permettant d’envisager des études précliniques visant à étudier les bases mécanistiques et les liens de causalité entre la biologie du microbiote intestinal et son interaction fonctionnelle avec son hôte.
Pour en savoir plus :
A standardized gnotobiotic mouse model harboring a minimal 15-member mouse gut microbiota recapitulates SOPF/SPF phenotypes
Marion Darnaud, Filipe De Vadder, Pascaline Bogeat, Lilia Boucinha, Anne-Laure Bulteau, Andrei Bunescu, Céline Couturier, Ana Delgado, Hélène Dugua, Céline Elie, Alban Mathieu, Tereza Novotná, Djomangan Adama Ouattara, Séverine Planel, Adrien Saliou, Dagmar Šrůtková, Jennifer Yansouni, Bärbel Stecher, Martin Schwarzer, François Leulier, Andrea Tamellini.
Nature Communications. 18 novembre 2021. doi: 10.1038/s41467-021-26963-9
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