Gibbérellines et nitrate, unis pour la croissance

Résultats scientifiques Biologie végétale

L'application d’engrais azotés a permis d’augmenter considérablement les récoltes, mais également la hauteur des plantes cultivées par un mécanisme méconnu. Une étude révèle que le nitrate active la croissance des plantes, en partie, grâce à la synthèse de gibbérellines.  Ces phytohormones agissent  en stimulant la dégradation de répresseurs de croissance. Ce mécanisme de régulation permet ainsi à la plante d’adapter au mieux sa croissance à la disponibilité du nitrate présent dans le sol. Cela explique au moins en partie pourquoi les blés semi-nains sélectionnés  lors de la révolution verte pour prévenir la verse sont moins sensibles à l’action du nitrate pour la croissance. Cette étude est publiée dans la revue Current Biology.

L’azote est l’un des macronutriments les plus importants limitant la croissance et le rendement des plantes. A l’exception de quelques espèces capables de fixer l’azote atmosphérique grâce à leur symbiose avec des bactéries du sol, la plupart des plantes cultivées acquièrent l’azote dans le sol, essentiellement à partir de formes inorganiques, telles que le nitrate ou l’ammonium. Cependant, la disponibilité de ces formes, variant considérablement dans le temps et l’espace, oblige les agriculteurs à appliquer régulièrement des engrais azotés pour assurer un rendement optimal des cultures. Ainsi, depuis les années 1960, l’application d’engrais azotés associée à la mécanisation et à l’adoption de variétés semi-naines à haut rendement (pour prévenir la verse et permettre ainsi une fertilisation des sols plus importantes) a permis d’augmenter considérablement les rendements, une pratique agricole connue sous le nom de « révolution verte ». Ces dernières années, des avancées significatives ont démontré que les gènes responsables du caractère semi-nain interfèrent avec la synthèse ou l’action des gibbérellines, une famille d’hormones de croissance végétale. Cependant, malgré l’importance de l’azote pour la productivité agricole, et bien que plus de 70% des blés cultivés dans le monde sont porteurs d’un "gène semi-nain" affectant  l’action des gibbérellines, l’implication de ces hormones dans les mécanismes d’adaptation de la croissance de la plante à la disponibilité de l’azote dans le sol demeurait toujours méconnue.

Dans cette étude internationale menée sur la plante modèle Arabidopsis thaliana et le blé, les scientifiques montrent que le nitrate, via une cascade de signalisation complexe, active de manière dose-dépendante la biosynthèse de gibbérellines. En retour, ces phytohormones vont promouvoir la croissance et le développement des plantes, en stimulant la dégradation de répresseurs de croissance (les DELLAs), une famille de protéines nucléaires qui contrôle l’expression d’un grand nombre de gènes. Ainsi, ce mécanisme de régulation permet à la plante d’adapter au mieux sa croissance à la disponibilité du nitrate présent dans le sol.

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© Lucie Camut
Figure : Le nitrate via une cascade de signalisation active l’expression de gènes de biosynthèse de GA et augmente ainsi la production de GA. La synthèse de ces hormones va induire la dégradation des répresseurs de croissance DELLA, une famille de régulateurs transcriptionnels. En stimulant la dégradation des protéines DELLA, le nitrate active la prolifération cellulaire, la croissance et donc la hauteur finale de la plante.

Pour en savoir plus :
Nitrate signaling promotes plant growth by upregulating gibberellin biosynthesis and destabilization of DELLA proteins
Lucie Camut, Barbora Gallova, Lucas Jilli, Mathilde Sirlin-Josserand, Esther Carrera, Lali Sakvarelidze-Achard, Sandrine Ruffel, Gabriel Krouk, Stephen G. Thomas, Peter Hedden, Andrew L. Phillips, Jean-Michel Davière and Patrick Achard
Current Biology, 31, 1-12 2021 ; DOI 10.1016/j.cub.2021.09.024

Contact

Patrick Achard
Directeur de recherche CNRS à l'Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) - (CNRS / Université de Strasbourg)

laboratoire

Institut de biologie moléculaire des plantes (CNRS/Université de Strasbourg)
12 rue Général Zimmer,
67084, Strasbourg Cedex