La méthylation de l’ADN joue un rôle crucial lors de la régénération
Le terme régénération désigne la capacité qu’ont de nombreux animaux à reformer des parties de leurs corps après une blessure ou une amputation. Les mécanismes qui contrôlent ce processus sont néanmoins encore peu connus. Dans cette étude publiée dans la revue BMC Biology, les scientifiques ont mis en évidence le rôle d’une modification épigénétique importante, la méthylation de l’ADN, au cours de la régénération d’un ver marin qui possède de fortes capacités de régénération.
Si les capacités de régénération sont limitées dans l’espèce humaine et chez les mammifères en général, de nombreux autres animaux sont capables de régénérer des structures complexes comme des membres (par exemple pattes ou nageoires). Certains organismes ont même la capacité extraordinaire de reformer la totalité de leur corps à partir d’un petit fragment de tissue ou même de quelques cellules. Mieux comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires de la régénération, outre son intérêt en recherche fondamentale, présente également un grand intérêt potentiel pour la médecine, notamment pour la médecine régénérative. Cette meilleure compréhension de la régénération est aussi indispensable au développement de nouveaux traitements ciblant des maladies dégénératives qui concernent généralement des organes ayant peu de capacité de régénération intrinsèque.
L'étude porte sur la régénération d’un ver marin, l’annélide Platynereis dumerilii. Ce lointain cousin du ver de terre a des capacités de régénération très importantes. En effet, il peut reformer de manière très efficace la partie postérieure de son corps, après une amputation de celle-ci, incluant une zone contenant des cellules-souches responsables de la croissance de l’animal. Des résultats préalables avaient montré que lors de ce phénomène des cellules différenciées reviennent à un état indifférencié (dédifférenciation) et expriment des marqueurs de prolifération et de cellules souches, suggérant la survenance d’événements de reprogrammation cellulaire.
Comme les événements de reprogrammation cellulaire impliquent généralement la modification de l’expression de nombreux gènes, les scientifiques ont étudié les rôles potentiels de la méthylation de l’ADN au cours de la régénération. Cette modification épigénétique est en effet connue pour moduler la transcription des gènes. Dans un premier temps, les chercheurs ont montré l’existence d’un taux de méthylation important dans le génome du ver et mis en évidence que ce taux varie au cours du cycle de vie de l’animal. Ils ont aussi identifié dans le génome de l’animal un ensemble de gènes codant les protéines impliquées dans la mise en place, l’élimination et l‘utilisation de cette marque épigénétique et montré que ces gènes sont transcrits tout au long de la régénération de l’animal. Grâce à l’utilisation d’un agent chimique, la Décitabine, connu pour avoir un effet déméthylant et largement utilisé en cancérologie, on voit que la diminution du taux de méthylation de l’ADN empêche la régénération du ver d’aller à son terme. Après le retrait de la Décitabine, même si la régénération reprend et se termine, la croissance du ver est durablement perturbée, très probablement à cause de défauts dans la régénération des cellules-souches permettant cette croissance. Ces résultats suggèrent donc un rôle important de la méthylation de l’ADN dans la régénération et ouvrent de nouvelles perspectives pour mieux comprendre les mécanismes de contrôle de ce processus fascinant.
Pour en savoir plus :
DNA methylation atlas and machinery in the developing and regenerating annelid Platynereis dumerilii.
Planques A, Kerner P, Ferry L, Grunau C, Gazave E, Vervoort M
BMC Biology 3 aout 2021. https://doi.org/10.1186/s12915-021-01074-5
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