Un étiquetage chimique pour éclairer les plantes
L’utilisation de marqueurs de spin tirant avantage des propriétés paramagnétiques électroniques permet d’étudier les lignines, ces polymères polyphénoliques constituant du bois. Les travaux publiés dans Chemical Communications et mis en lumière dans Nature Reviews Chemistry ouvrent la voie à de nouvelles méthodes de quantification et d'imagerie des lignines dans les parois végétales par chimie bioorthogonale.
Les lignines constituent une famille de biomacromolécules produites par la polymérisation oxydative de monolignols dans les parois cellulaires des plantes. Elles sont essentielles pour la croissance et le développement de toutes les plantes vasculaires : avec la cellulose et les hémicelluloses, elles sont l'un des principaux constituants de la biomasse lignocellulosique.
Les processus de lignification ainsi que la mise en place de liaisons covalentes entre les lignines et les polymères polysaccharidiques de la paroi demeurent mal connus. Les recherches sur la biosynthèse et la bioingénierie des lignines représentent un enjeu économique important pour les industries générant des produits à haute valeur ajoutée. En effet, la quantité et la composition des lignines sont des paramètres essentiels dont dépendent de nombreux procédés agro-industriels tels que la génération de biocarburants à partir de la biomasse lignocellulosique, la production de bioénergie, ou encore l’industrie papetière.
Bien que les voies de biosynthèse des monolignols soient très documentées, un grand nombre d’événements moléculaires qui se produisent au cours de la biosynthèse des lignines restent encore à élucider. Les défis à relever dans l’étude et l’analyse de ces biomacromolécules et de leurs fonctions biologiques concernent aussi bien la compréhension de leur grande diversité structurale et des facteurs influençant celle-ci, que la dynamique de leur biosynthèse in planta, en interaction avec leurs partenaires.
Depuis quelques années, la volonté d'aborder la complexité du milieu cellulaire et d'accéder à des informations relevant de la dynamique des macromolécules au niveau moléculaire a conduit la communauté scientifique à exploiter la résonance paramagnétique électronique (RPE) pour développer une approche de marquage de spin adaptée pour des études dans les cellules, nommées RPE in cellula.
Quoique limités à l’études des protéines, les premiers résultats étaient extrêmement prometteurs et avaient permis de mettre en évidence la faisabilité de l’approche.
Dans cette démarche, les chercheurs ont montré que l’alliance de la chimie bioorthogonale et de la RPE pouvait être utilisée pour imager les lignines dans une plante, le Lin (Linum usitatissimum L.). Les performances hors pair de cette chimie « click » ont permis de lier de façon covalente la molécule d’intérêt biologique, décorée d’une étiquette, à la sonde radicalaire. Les auteurs ont ainsi proposé une nouvelle approche pour obtenir des informations fondamentales sur la dynamique de lignification directement dans la paroi cellulaire végétale.
Ces travaux représentent une avancée importante dans le domaine de la chémobiologie. Ils ouvrent la voie au développement d'une nouvelle approche de quantification et d'imagerie de la lignine dans les parois végétales. Compte tenu du rôle central que ce biopolymère joue dans de nombreux aspects de la physiologie végétale, ainsi que de son impact économique, ces travaux seront également d'un grand intérêt pour les biologistes du végétal.
Pour en savoir plus :
EPR imaging of sinapyl alcohol and its application to the study of plant cell wall lignification.
Simon C , Lion C , Ahouari H , Vezin H , Hawkins S , Biot C .
Chem Commun (Camb). 2021 Jan 14;57(3):387-390. doi: 10.1039/d0cc05218c.
PMID: 33326527
Labelled lignin leaks its secrets.
Schilter, D.
Nat Rev Chem 5, 74 (2021). doi:10.1038/s41570-021-00250-z
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laboratoire
UGSF – Unité de glycobiologie structurale et fonctionnelle (Université de Lille/CNRS)
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