Avoir le rythme dans la moelle !
L’activité locomotrice se caractérise par une succession de pas dont le rythme peut être régulé en fonction de nos envies, de nos besoins. Cependant les mécanismes neuronaux par lesquels le rythme est produit et régulé restent énigmatiques. Les scientifiques viennent d’identifier dans la moelle épinière deux conductances dont la dualité fonctionnelle, qui s’apparente à celle du yin et yang, est au cœur de la genèse du rythme locomoteur. Ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue Plos Biology.
A l'inverse de l'adage "qui se ressemblent s'assemblent", les opposés s'attirent comme deux aimants pour n’en faire qu’un. Les chercheurs viennent de démontrer l’existence au sein de la moelle épinière, berceau du rythme locomoteur, d’un duo de conductances que tout oppose et reste pourtant indissociable dans la fonction locomotrice.
Le rythme de la marche est généré par des neurones spinaux dont la particularité est d’osciller de façon autonome. Ainsi, ces cellules dites pacemakers passent tour à tour d’un état activé (dépolarisé) à un état de repos, à l’image du métronome oscillant entre deux positions diamétralement opposées. Les chercheurs viennent de découvrir que cet état dit « bistable » résulte de l’activation alternée d’une conductance sodique persistante (INap), qui dépolarise le neurone, et d’une conductance potassique persistante (IM) qui repolarise celui-ci. Une approche pharmacologique et l’invalidation d’un gène, ont permis d’identifier la nature du canal qui génère IM. Il s’agit du canal Kv7.2 dont l’expression, révélée par immunohistochimie, se concentre sur le segment initial de l’axone des neurones pacemakers de la marche. Cette expression se superpose à celle des canaux sodiques responsables de INap. La modélisation du réseau locomoteur adossée à une étude comportementale montre que le poids relatif de INap et de IM régule l’excitabilité des neurones pacemakers et la fréquence de la marche. Ainsi, le rythme décélère lorsque INap prédomine et réciproquement accélère lorsque IM prend le pas sur INap.
Au-delà d’une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires impliqués dans la genèse du rythme locomoteur, cette étude illustre la grande plasticité fonctionnelle de la moelle épinière. Reste à déterminer si un déséquilibre du couple moteur INap/IM contribue aux troubles de la marche observés dans de nombreuses pathologies.
Pour en savoir plus
The M-current works in tandem with the persistent sodium current to set the speed of locomotion.
Verneuil J, Brocard C, Trouplin V, Villard L, Peyronnet-Roux J, Brocard F.
PLoS Biol. 2020 Nov 13;18(11):e3000738. doi: 10.1371/journal.pbio.3000738.
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