CRISPOR optimise le système révolutionnaire CRISPR-Cas9
Le système CRISPR-Cas9 permet de faire des modifications ciblées des génomes. Néanmoins, il peut encore être amélioré, en particulier parce qu’il génère parfois des coupures au niveau de sites inattendus. L’outil informatique CRISPOR, développé par l’Infrastructure d’Avenir TEFOR, est le plus efficace à l’heure actuelle pour prédire les meilleurs sites chez les végétaux et les animaux, ce qui permet de limiter leur utilisation dans les laboratoires. Plus de 200 génomes sont disponibles, ce qui en fait un outil utilisable chez de nombreuses espèces originales. CRISPOR a été publié le 5 juillet 2016 dans la revue Genome Biology.
IAu milieu des années 1960, il a été découvert que des enzymes « de restriction » peuvent couper l’ADN. Un catalogue s’est peu à peu construit, largement utilisé dans les laboratoires de biologie. Typiquement, ces enzymes coupent au niveau de sites de 6 paires de bases. Encore fallait-il trouver des enzymes qui coupent moins fréquemment pour pouvoir cibler un seul gène au sein d’un génome entier. Au tournant du XXIe siècle, trois techniques ont marqué un nouveau progrès dans ce sens avec les méganucléases, les nucléases à doigts de zinc et les TALENs qui permettaient de couper le génome à des sites choisis. Mais ce sur-mesure avait des défauts : une conception aléatoire de ces protéines (sauf pour les TALENs) et le coût de leur production. Le système révolutionnaire CRISPR-Cas9 détourne le système immunitaire adaptatif des bactéries pour obtenir un outil de manipulation génétique dont aucun chercheur n’avait osé rêver. Crispr-Cas9, allie en effet la précision de la haute couture avec la simplicité, le haut débit et le faible coût du prêt-à-porter. Une protéine exceptionnelle, Cas9 est capable de cibler sa coupure à condition d’être guidée par un ARN correspondant à la séquence d’ADN visée. Le système fonctionnant chez les bactéries comme chez les plantes, chez les souris comme chez les hommes, on en mesure le potentiel.
Crispr-Cas9 n’est toutefois pas encore l’outil à la précision chirurgicale tant vantée : les enzymes coupent avec une efficacité variable selon les sites et des modifications « hors cibles » ont été mises en évidence. Le succès n’est parfois que partiel et ceci conduit à utiliser un très grand nombre d’animaux pour identifier celui qui porte l’évènement voulu. Ceci est contraire à tous les efforts que font les chercheurs pour utiliser le moins d’animaux possible pour leurs recherches.
Au cours des dernières années, plusieurs outils bioinformatiques d’optimisation du choix des sites de coupure sont apparus, dont ceux développés aux Etats-Unis à l’Institut BROAD (Cambridge) et au MIT (Boston). Dans ce contexte, un nouvel outil informatique, TEFOR, a été créé grâce au soutien financier de l’infrastructure d’Avenir TEFOR (tefor.net) et une collaboration entre Jean-Paul Concordet de l'unité Structure et Instabilité des Génomes au Muséum National d’Histoire Naturelle, et Maximillian Haeussler du Santa Cruz Genomics Institute de l’Université de Californie.
L’outil CRISPOR (http://crispor.tefor.net/) présente une série d’avantages qui lui confèrent une supériorité déterminante par rapport aux autres outils disponibles. Il permet d’améliorer la prédiction des sites de coupure voulus, mais aussi d'améliorer la prédiction des sites où l'enzyme coupe le mieux, et d'éviter les coupures à d'autres sites. Il a été conçu sur la base de résultats obtenus in vivo et il est le plus précis pour les utilisations chez les animaux et les végétaux. En permettant une sélection optimisée des sites de coupure des nucléases CRISPR-Cas9, il contribue donc à réduire le nombre d'animaux ou de végétaux utilisés pour créer une lignée modifiée. CRISPOR est rapide et disponible librement sur le web via une interface conviviale. Il est d’ores et déjà utilisable pour plus de deux cents espèces animales et végétales alors que les autres outils se concentrent sur les quelques espèces les plus utilisées en laboratoire. De nouveaux génomes peuvent être ajoutés sur simple requête à Maximillian Haeussler. CRISPOR contribue ainsi à aider tous les chercheurs qui travaillent sur des espèces originales, dont les multiples espèces favorites des chercheurs qui étudient l’évolution des mécanismes du développement. Ceci est une de ses grandes originalités avec le fait qu’il peut prendre en compte les polymorphismes ou plusieurs gènes paralogues.
CRISPOR a déjà fait l’objet de 50 000 requêtes et il est mis en œuvre par plus de 1500 utilisateurs. Un information complète est disponible sur les sites web de CRISPOR TEFOR (tefor.net), et EFOR (efor.net), le réseau français de promotion de l’utilisation de l’édition du génome et du phénotypage chez les animaux et les végétaux.