Le lactate : une piste dans le traitement de l’hypoxie-ischémie du nouveau-né?
Le lactate est considéré par beaucoup comme un déchet de l’organisme et un signe de mauvais pronostic en clinique. Or, des données récentes obtenues chez le rat indiquent que l’injection de lactate permet de réduire les lésions cérébrales après un accident d’hypoxie-ischémie néonatale. Le suivi longitudinal (IRM et tests de comportement) montre une diminution importante de la taille des lésions, et surtout une récupération des fonctions sensori-motrices et cognitives évaluées. Ces résultats sont publiés dans la revue Journal of Cerebral Blood Flow and Metabolism.
Si le cerveau ne représente que 2% du poids total du corps humain, il consomme un quart de l’énergie totale de l’organisme, sous forme de glucose. Les cellules les plus « énergivores » sont les neurones, et ce sont les cellules qui attirent le plus d’attention puisqu’elles sont à l’origine de l’activité cérébrale. Cependant, les cellules gliales, dont les astrocytes, ont également un rôle capital à jouer dans le cerveau. En 1994, il a été proposé par Pellerin et Magistretti que le glucose, principale source d’énergie du cerveau, soit en partie capté par les astrocytes où il serait transformé en lactate lors de l’activation cérébrale puis transféré aux neurones. Ce lactate y serait alors utilisé comme substrat oxydatif pour fournir un supplément d’énergie. Cet échange métabolique entre neurones et astrocytes fut appelé ANSLH (Astrocyte-Neuron Lactate Shuttle Hypothesis).
Dans la longue quête visant à démontrer le rôle majeur de cette navette lactate entre astrocytes et neurones et son existence in vivo, les résultats de cette recherche fondamentale ont permis de fournir une nouvelle piste pour la recherche appliquée et la thérapie : si le lactate est un bon substrat énergétique pour les neurones, pourrait-il être neuroprotecteur après un accident d’hypoxie-ischémie néonatale ? L’hypothèse posée est que le lactate, administré après l’hypoxie-ischémie, et donc en condition de reperfusion, serait utilisé comme substrat énergétique préférentiel par les neurones. Le glucose serait alors « économisé » et utilisé dans la voie des pentoses phosphates (plutôt que via la glycolyse), voie métabolique très importante dans la lutte contre les radicaux libres de l’oxygène (ou ROS), très délétères pour la cellule.
Cette hypothèse a été testée sur un modèle d’hypoxie-ischémie chez le raton. Un suivi longitudinal par IRM (technique d’imagerie non invasive) a permis de montrer que trois injections de lactate (une par jour) étaient suffisantes pour réduire de façon très importante la taille de la lésion cérébrale. L’efficacité de ces injections a également été testée sur le long terme sur les fonctions sensori-motrices et cognitives grâce à différents tests de comportement. Les résultats indiquent une récupération des fonctions évaluées, notamment la mémoire. Étonnamment, des injections de glucose ou de pyruvate (un autre substrat énergétique) ne sont pas neuroprotectrices. L’étude a aussi pu mettre en évidence que l’effet neuroprotecteur du lactate passait bien par son utilisation métabolique.
Ces travaux pourraient ouvrir une piste de thérapie potentielle dans le cadre de l’hypoxie-ischémie néonatale, cause majeure de mortalité et de handicaps chez les nouveau-nés, et pour laquelle aucun traitement pharmacologique n’existe à l’heure actuelle.
Pour en savoir plus:
Neuroprotective role of lactate in rat neonatal hypoxia-ischemia.
Roumes H, Dumont U, Sanchez S, Mazuel L, Blanc J, Raffard G, Chateil JF, Pellerin L, Bouzier-Sore AK.
J Cereb Blood Flow Metab. 2020 Mar 24:271678X20908355. doi:10.1177/0271678X20908355.
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Laboratoire
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