L’Intelligence Artificielle pour éviter une anesthésie trop profonde
L’électroencéphalogramme (EEG) permet de mesurer l’état du cerveau pendant une anesthésie générale. En développant des méthodes d’intelligence artificielle et de traitement du signal, cette étude révèle des motifs dans le signal EEG de patients anesthésies qui prédisent une sédation profonde à venir. Des états non souhaitables du cerveau vont pour la première fois, pouvoir être anticipés plusieurs dizaines de minutes avant qu'ils n'apparaissent, laissant ainsi une marge de manœuvre aux cliniciens. Ces travaux, publiés dans la revue Communications Biology, illustrent une médecine prédictive qui permettra de minimiser les traumatismes post opératoire.
Neuf millions de personnes subissent chaque année en France une anesthésie générale, mais un risque de complications cognitives subsiste et reste un enjeu de société. Alors peut-on prédire, voire prévenir en utilisant des nouvelles méthodes d’intelligence artificielle, ces complications post-anesthésiques, et si oui, à quel moment de l’intervention ? Récemment, en utilisant une analyse de traitement du signal couplée a une classification statistique, les chercheurs ont montré que l’activité du cerveau évaluée durant les dix premières minutes de l'anesthésie générale pouvaient être utilisées pour prédire la profondeur de l'état d'inconscience durant l’opération chirurgicale.
Nous réagissons tous différemment à une dose d’anesthésique : une même dose peut être « excessive » pour certains mais pas pour d’autres. Il était déjà possible, en enregistrant l’électroencéphalogramme (EEG), de mesurer la profondeur « instantanée » de la sédation, une pratique courante en salle d’opération. Cette étude révèle que des motifs dans le signal EEG prédisent une sédation profonde à venir, en fonction de la réponse cérébrale. Cela permet donc d’anticiper des états profonds et non souhaitables du cerveau plusieurs dizaines de minutes avant qu'ils n'apparaissent, laissant ainsi une marge de manœuvre aux cliniciens. Ces marqueurs sont donnés par la statistique de certaines bandes de fréquences, en particulier le rythme alpha qui pendant l’anesthésie générale reflète la communication intime entre différentes régions du cerveau (thalamus et cortex).
Cette nouvelle analyse du signal EEG permet de détecter des évènements difficiles, voire impossible, à saisir à l’œil nu, et a été rendu possible grâce une segmentation fine du signal EEG. Cette analyse établit une relation causale entre la disparition temporaire de la bande de fréquence alpha [8-12]Hz et l'apparition de suppressions isoélectriques (EEG plat transitoirement). Ces suppressions sont plus nombreuses chez les patients ayant eu des complications post-opératoires. L'étude révèle également, en utilisant l’Intelligence Artificielle (Machine Learning), qu'il est possible de pré-classifier les patients en deux groupes (sensibles et non sensible à un anesthésique, le propofol) dès les dix premières minutes. De plus, ces travaux remettent en question la valeur prédictive des paramètres classiques utilisés aujourd'hui comme par exemple la pression artérielle moyenne, le sexe ou encore l’âge.
Cette synergie entre expertise médicale et intelligence artificielle ouvre la voie à une meilleure évaluation de la profondeur de l'anesthésie via les changements dynamiques de l'EEG et les alternances de dominance des rythmes neuronaux. Ces méthodes algorithmiques pourraient permettre une anesthésie plus personnalisée, ayant à terme pour but d’identifier une fragilité, afin d’éviter une sédation trop profonde. Enfin, cette étude pourrait aussi avoir d'autre applications liées par exemple aux pathologies du sommeil, à la concentration pendant l’éveil, mais aussi aux diverses formes de coma.
En savoir plus :
Alpha rhythm collapse predicts iso-electric suppressions during anesthesia
Cartailler J, Parutto P, Touchard C, Vallee F, Holcman D
Communications Biology. 2019 Sept 2. Doi: 10.1038/s42003-019-0575-3