Une hélicase à ARN, nouveau coupable dans la déficience intellectuelle

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Dans le cadre d'une collaboration internationale, les chercheurs viennent de mettre en lumière un nouveau gène impliqué dans la déficience intellectuelle. Ce gène code une hélicase à ARN de la famille des DEAD-box appelée DDX6. Ces résultats ont été publiés dans la revue The American Journal of Human Genetics.

La déficience intellectuelle (DI) regroupe un ensemble de troubles neurodéveloppementaux caractérisés par une grande hétérogénéité génétique, avec plus d’un millier de gènes impliqués. Plusieurs de ces gènes codent des protéines liant l’ARN messager et jouant un rôle dans la régulation de l’expression des gènes en aval de la transcription.

Dans cette étude, les chercheurs ont identifié des mutations dans le gène DDX6 survenues de novo chez cinq enfants présentant une DI associée à des caractéristiques dysmorphiques similaires. Ces mutations entrainent des changements d'acides aminés au sein d'un domaine particulier de la protéine DDX6. Cette protéine est une hélicase nécessaire pour former des granules cytoplasmiques appelés P-bodies, qui contiennent de nombreuses enzymes contrôlant la traduction et la dégradation des ARN messagers. Les chercheurs ont pu montrer que les mutations de DDX6 rendent la protéine incapable de former des P-bodies.  Elle perd sa capacité à interagir avec certaines de ses protéines partenaires, LSM14A et 4-ET, elles aussi impliquées dans la formation de P-bodies. L’analyse des ARN messagers (transcriptome) réalisée sur les cellules d’un des patients a aussi révélé un défaut de dégradation des ARN messagers qui évoque celui observé lorsqu’on supprime l’expression de DDX6 dans des cellules cultivées au laboratoire.

Ce n’est pas la première fois qu’une hélicase à ARN est impliquée dans un trouble neurodéveloppemental. Ainsi, le gène DDX3X, localisé sur le chromosome X, est responsable, quand il est muté, d’une forme de DI avec épilepsie et mouvements anormaux, qui compte parmi les formes monogéniques de DI les plus fréquemment retrouvées chez les filles. Des mutations dans d’autres hélicases de la même famille ou de familles proches (DHX30, DDX59, etc.) ont également été rapportées récemment chez des individus avec DI.

Ces nouveaux résultats mettent en lumière qu’un disfonctionnement de la protéine DDX6 causé par des anomalies génétiques peut conduire à un trouble du neurodéveloppement avec DI et soulignent le rôle central des régulations post-transcriptionnelles dans le développement du cerveau.

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Figure : Chacune des mutations présentes chez les cinq patients entraine un changement d’acide aminé (en violet)dans une région particulière de la protéine DDX6 (encadrée). Les fibroblastes de patients porteurs de ces mutations ont un nombre très faible de P-bodies (flèches jaunes), comparé à ceux d’un individu contrôle.
© Marianne Bénard

 

En savoir plus :
Rare De Novo Missense Variants in RNA Helicase DDX6 Cause Intellectual Disability and Dysmorphic Features and Lead to P-Body Defects and RNA Dysregulation.
Balak C, Benard M, Schaefer E, Iqbal S, Ramsey K, Ernoult-Lange M, Mattioli F, Llaci L, Geoffroy V, Courel M, Naymik M, Bachman KK, Pfundt R, Rump P, Ter Beest J, Wentzensen IM, Monaghan KG, McWalter K, Richholt R, Le Béchec A, Jepsen W, De Both M, Belnap N, Boland A, Piras IS, Deleuze JF, Szelinger S, Dollfus H, Chelly J, Muller J, Campbell A, Lal D, Rangasamy S, Mandel JL, Narayanan V, Huentelman M, Weil D, Piton A.
Am J Hum Genet. 2019 Aug 5. pii: S0002-9297(19)30273-3. doi: 10.1016/j.ajhg.2019.07.010

Contact

Amélie Piton
Enseignante-chercheuse à l'Université de Strasbourg / Laboratoire Génétique et physiopathologie de maladies neurodéveloppementales et épileptogènes, IGBMC (CNRS/Inserm/Université de Strasbourg)
Dominique Weil
Chercheuse CNRS au Laboratoire de biologie du développement