Comment les plantes contrôlent-elles le transport des nutriments ?
La manière dont les plantes régulent l’acheminement des produits de la photosynthèse pour optimiser leur croissance, est une question centrale dans le contexte environnemental actuel. Dans cette étude, publiée dans la revue Nature Plants, les chercheurs ont découvert que certains lipides étaient des acteurs importants de ce processus et ont également mis en avant une régulation pour le moins inattendu du processus de transport via des ponts cellulaires appelés plasmodesmes.
Les plantes capturent et utilisent l’énergie solaire. Grâce à la photosynthèse, elles fabriquent à partir d’eau et de CO2 de la matière organique. Les sucres, produits de la photosynthèse, sont transportés des feuilles (ou autres tissus photosynthétiques) vers le reste de la plante et notamment vers les organes puits (qui puisent les sucres) en pleine croissance. Ces derniers ont un besoin critique de cet apport nutritif. Le transport de nutriments peut s’effectuer sur une longue distance grâce au système vasculaire mais également de cellule à cellule, les deux étant souvent couplés. Comprendre comment le transport et le « déchargement » des produits de la photosynthèse dans les tissus puits sont régulés au niveau moléculaire est une question critique en biologie végétale.
Dans le cadre d'une collaboration internationale, les chercheurs ont découvert un nouveau gène, appelé Phloem Unloading Modulator ("PLM") affectant le déchargement des produits de la photosynthèse au niveau du système racinaire chez la plante modèle Arabidopsis thaliana. Ils ont pu montrer que des mutants « perte de fonction » présentaient une augmentation du taux de déchargement dans la pointe racinaire et ce à une interface cellulaire spécialisée précédemment identifiée comme critique dans ce processus.
En combinant des approches en génétique inverse, microscopie photonique et analyses biochimiques, les chercheurs ont établi que PLM est impliqué dans la voie de biosynthèse de certains lipides, appelés sphingolipides. Ces composants, essentiels aux membranes biologiques, agissent par une voie encore inconnue sur la structure de pores membranaires ultra spécialisés appelés plasmodesmes. Ces derniers sont de véritables portes en périphérie des cellules végétales qui permettent la communication intercellulaire chez les plantes contrôlant ainsi un des processus fondamentaux au développement des plantes : la communication intercellulaire et le transport de nutriments (voir figure). Ces plasmodesmes sont des structures extrêmement plastiques pouvant s'ouvrir et se fermer afin de contrôler les échanges intercellulaires. En analysant l’ultrastructure de ces pores membranaires nanoscopiques, les chercheurs viennent de démontrer, contre toutes attentes, que des pores apparemment fermés étaient en fait perméables et favorisaient les échanges entre cellules. Ces travaux remettent en question les modèles actuels permettant d’expliquer la régulation des échanges moléculaires entre cellules via ces pores ultraspécialisés spécifiques au règne végétale.
Pour en savoir plus
Sphingolipid biosynthesis modulates plasmodesmal ultrastructure and phloem unloading.
Yan D, Yadav SR, Paterlini A, Nicolas WJ, Petit JD, Brocard L, Belevich I, Grison MS, Vaten A, Karami L, El-Showk S, Lee JY, Murawska GM, Mortimer J, Knoblauch M, Jokitalo E, Markham JE, Bayer EM, Helariutta Y.
Nat Plants. 2019 Jun;5(6):604-615. doi: 10.1038/s41477-019-0429-5. Epub 2019 Jun 10