Un seul et même cœur catalytique pour la réplication et la transcription chez les archées
La première structure d’un membre d’une famille essentielle de DNA polymérases (polD) chez les archées, l’un des trois grands domaines du monde vivant, vient d’être résolue par cristallographie par une équipe associant des chercheurs du CNRS, de l’Institut Pasteur et de l’IFREMER. De façon surprenante, le cœur catalytique de la polD, responsable de la réplication de l’ADN, a la même architecture que les ARN polymérases responsables de la transcription chez tous les êtres vivants. Ceci laisse penser que ce petit domaine fonctionnel pourrait avoir été essentiel lors de la transition entre un monde sans ADN et un monde avec ADN. Cette étude est publiée dans la revue Nature Communications.
Les archées constituent l’une des trois grandes branches du monde vivant. Depuis leur découverte par Carl Woese à la fin des années 1970, les archées ne cessent de nous surprendre. On sait depuis plusieurs années que les archées utilisent pour la réplication de leur ADN deux types d’ADN polymérases, une de la famille polB et une autre de la famille polD. En règle générale, l’appareil réplicatif des archées est très similaire à celui des eucaryotes, bien davantage qu'à celui des bactéries. Effectivement, on trouve des polB chez les eucaryotes, mais pas de polD. La polD est essentielle et participe à la duplication du génome chez les archées. Depuis la découverte des polD, les analyses de séquences n'ont pas pu déterminer le lien de parenté éventuel entre celles-ci et les autres familles connues d’ADN polymérases (polA, polB, polC…), lesquelles sont connues pour se répartir en deux familles structurales distinctes seulement.
Pour résoudre cette question de l’origine évolutive des polD, les chercheurs ont déterminé par radiocristallographie la structure atomique d’une ADN polymérase de Pyrococcus abyssi, une archée qui se trouve dans les fosses marines profondes. De manière inattendue, cette étude a révélé que la sous-unité catalytique DP2 contient une architecture semblable à celle des ARN polymérases de tous les organismes (bactéries, archées, eucaryotes), différente des deux architectures connues des autres ADN polymérases. Ceci a conduit les chercheurs à mettre à jour la classification des ADN polymérases, qui est maintenant complète (Fig. 1)
Ainsi, chez les archées, il existe un lien très étroit entre le coeur catalytique responsable de la réplication et celui qui est responsable de la transcription. Il est permis de penser que ce cœur catalytique, qui est également capable de répliquer de l’ARN comme cela a été observé chez une enzyme de plante, était présent et fonctionnel en tant que « réplicase » de l’ARN chez l’ancêtre des archées fonctionnant dans un monde sans ADN (mais bien sûr avec des ARN et des protéines, le code génétique et le ribosome). C’est ensuite, grâce à sa versatilité et sa capacité à remplir les nouvelles fonctions requises de réplication de l’ADN et de sa transcription en ARN, qu’il aurait été recruté lors du passage à un monde avec ADN, rendant cette transition plus facile que si les deux fonctions avaient dû être inventées séparément (Fig. 2).
Shared active site architecture between archaeal PolD and multi-subunit RNA polymerases revealed by X-ray crystallography.
Sauguet L, Raia P, Henneke G, Delarue M.
Nat Commun. 2016 Aug 22;7:12227. doi: 10.1038/ncomms12227