Sobremesa : grand corps, petit cerveau

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

Une étude publiée dans la revue Cell Reports révèle une voie de signalisation reliant le métabolisme au contrôle du développement. Cette voie régit de façon opposée la croissance du corps et du cerveau. Elle implique un transporteur d'acides aminés (Sobremesa) exprimé dans la glie, cellules du système nerveux dont la fonction est encore mal saisie. Ces données ouvrent des champs d'investigation prometteurs pour comprendre certains événements intervenant dans le développement de l’humain.

Comprendre les divers stades de développement d'un organisme est fondamental dans l’optique de corriger les défauts pouvant survenir à ces moments de la vie. En utilisant la drosophile pour en révéler les acteurs génétiques, les chercheurs ont mis en évidence un transporteur d’acides aminés qu'ils ont nommé Sobremesa (Sbm). En espagnol, « Sobremesa » se réfère aux longues discussions autour d’un bon repas qui s’éternise. Sbm a les caractéristiques biochimiques d’un transporteur d’acides aminés de la famille des SLC7. Cette famille de transporteurs d’acides aminés est suspectée d’être impliquée dans de nombreuses maladies métaboliques et du système nerveux chez l’humain.

Lorsqu'ils perturbent l’expression de ce transporteur chez les larves (stade juvénile), celles-ci restent dans la nourriture et mettent beaucoup plus de temps avant de se métamorphoser en adultes. S'ils inactivent l’expression de Sbm spécifiquement dans les cellules gliales situées dans le cerveau des larves, cela augmente significativement leur durée de développement. Ces larves deviennent ainsi plus grosses, avec des disques imaginaux (tissus participant à la formation de l’adulte) et un corps gras (tissu adipeux) plus gros, mais ont, de façon surprenante, un cerveau plus petit que les larves témoins. Ce petit cerveau chez les larves exprimant moins Sbm présente un retard de développement du système nerveux, possède moins de cellules en division et de cellules gliales.

Les chercheurs ont pu mettre en évidence une partie du mode d’action de ce transporteur d’acides aminés ayant pour origine les cellules gliales des larves. La sous-expression de Sb retarde la survenue d’un pic d’hormone (PTTH) et réduit l’expression de gènes liés à une seconde hormone (ecdysone), allongeant ainsi la durée du stade larvaire juvénile. La voie de l’insuline est également mobilisée mais de façon inattendue. L’ensemble de ces données pourrait permettre de mieux comprendre les maladies liées à la prise alimentaire et à la croissance chez l’Homme, et ainsi apporter de possibles nouvelles stratégies thérapeutiques.

 

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Figure : Sobremesa (Sbm) est exprimé dans divers tissus et notamment dans les cellules gliales du cerveau des larves (en magenta/rose). La diminution de son expression spécifiquement dans les cellules gliales provoque un retard de développement du cerveau qui a alors une taille réduite (flèches rouges). Cette sous-expression de Sbm a un effet sur la production de l’hormone PTTH (en vert), et entraine une réduction de l'expression de gènes intervenant dans la voie de signalisation d’une deuxième hormone l’ecdysone (en orange). Ces perturbations conduisent à un retard de l'initiation de la transformation de la larve (stade juvénile) en pupe (stade au cours duquel s’effectue la métamorphose en adulte). Cette augmentation de la durée de développement permet aux larves et aux futurs tissus adultes de continuer à croitre (flèches bleues), entraînant des larves et des pupes d'une taille accrue. Toutefois le cerveau des larves sous-exprimant Sbm reste petit et ne parvient pas à rattraper le retard de développement par rapport à la condition où Sbm s’exprime normalement.
© Diego Galagovsky & Yaël Grosjean (Licence CC BY 4.0)

 

En savoir plus :

Sobremesa L-type Amino Acid Transporter Expressed in Glia Is Essential for Proper Timing of Development and Brain Growth.
Galagovsky D, Depetris-Chauvin A, Manière G, Geillon F, Berthelot-Grosjean M, Noirot E, Alves G, Grosjean Y.
Cell Rep. 2018 Sep 18;24(12):3156-3166.e4. doi: 10.1016/j.celrep.2018.08.067