Vers une détection ciblée des neurotransmetteurs : un récepteur artificiel pour la dopamine
Les neurotransmetteurs ont un rôle clé dans le fonctionnement du cerveau et peuvent servir de biomarqueurs pour de nombreuses maladies neurologiques. Pourtant, leur détection reste un défi en raison de leur faible concentration et de la complexité des milieux biologiques. Dans une étude publiée dans la revue Angewandte Chemie, des scientifiques ont mis au point un récepteur artificiel capable de cibler la dopamine, un neurotransmetteur essentiel. Cette découverte ouvre la voie à la conception de nanocapteurs de type « Lego », dont la sélectivité peut être programmée pour cibler une molécule spécifique.
Détecter les neurotransmetteurs dans un tissu ou un liquide biologique représente un défi majeur
Les neurotransmetteurs sont les molécules que les neurones utilisent pour transmettre des signaux entre eux, jouant ainsi un rôle crucial dans le bon fonctionnement du système nerveux. Leur détection est cruciale pour le diagnostic de troubles tels que la dépression, la maladie d’Alzheimer, l’épilepsie et d’autres. Cependant, leur faible concentration et la présence d’autres molécules similaires rendent cette tâche particulièrement complexe.
Pour surmonter ces difficultés, les scientifiques ont conçu un récepteur artificiel basé sur un nanoréacteur supramoléculaire, capable d’analyser la dopamine avec une sélectivité inédite. Dans un article publié dans la revue Angewandte Chemie, ils décrivent un récepteur qui combine plusieurs composants fonctionnant en synergie, tous confinés à l'intérieur d'un nanoréacteur lipidique. Il est composé d’un noyau hydrophobe entouré d’une couche de surfactant. Il contient un ligand spécifique qui piège la dopamine, ainsi qu’un fluorophore. Ce dernier change de couleur en présence du neurotransmetteur, offrant un signal fluorescent mesurable.
Un capteur ultra sélectif aux applications prometteuses.
La sélectivité du récepteur artificiel (un capteur fluorescent) a été rigoureusement testée en comparant sa réponse à 16 autres biomolécules, dont des neurotransmetteurs clé. Le capteur s'est avéré efficace même en présence d'un mélange de diverses molécules biogènes. Il fonctionne également dans des milieux biologiques complexes, tels que le sérum, le plasma, l'urine et le lysat cellulaire, confirmant la remarquable précision du dispositif. La limite de détection est adaptée aux mesures dans des milieux biologiques. Grâce à la microscopie confocale, les scientifiques ont validé la capacité du nanocapteur à imager la dopamine et mesurer sa concentration avec une grande fiabilité.
Le nouveau concept présenté dans ce travail offre un grand potentiel. Il permet de développer des récepteurs artificiels modulables, de type « Lego », pour une large gamme de biomolécules. Ces récepteurs combinent différentes unités de reconnaissance avec des molécules fluorescentes. Les prochaines étapes du projet consisteront à améliorer la sensibilité du récepteur de la dopamine jusqu'au niveau nanomolaire et à passer à des applications d'imagerie in vivo, ainsi qu’à des diagnostics in vitro dans les biopsies liquides.
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Figure : Imagerie du gradient de concentration de dopamine par les nanosondes (148 nm de diamètre) immobilisées dans un gel d'agarose. (a) Photo d'un dispositif microfluidique avec des gradients de dopamine et de rhodamine B créés (modèle). Les nanosondes ont été ajoutées (2000 x dilution) à une solution d'agarose (1% d'agarose dans du tampon phosphate pH = 7,4) à 50 °C, et ensuite déposée dans des canaux microfluidiques séparés. Après gélification à température ambiante, la solution de dopamine (1 mM) dans le tampon, la rhodamine B (1 mM) dans le tampon, et le contrôle tampon pur ont été ajoutés aux réservoirs sur un côté des canaux. (b) Images de microscopie confocale, représentant le rapport d'intensité bleu/vert des nanosondes, enregistrées chaque 2 mm le long du gradient de concentration de dopamine après deux heures à température ambiante. Le point 0 mm correspond au centre de l'entrée du canal où la dopamine a été déposée.
Référence : Fluorescent Artificial Receptor for Dopamine based on Molecular Recognition-driven Dynamic Covalent Chemistry in a Lipid Nanoreactor. Kozibroda, B., Lehn, M., & Klymchenko, A. S.
Angewandte Chemie International Edition, 13 janvier 2025, DOI : https://doi.org/10.1002/anie.202419905
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