Une supplémentation en Fer pour améliorer l’efficacité des immunothérapies anti-cancéreuses

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

Les immunothérapies anti-tumorales ont récemment révolutionné le traitement de nombreux cancers. Cependant, seule une minorité des patients répondent bien à ces traitements en développant une réponse immunitaire anti-tumorale efficace. Dans un article publié dans Cancer Immunology Research, des scientifiques montrent, que, dans un modèle murin, une supplémentation en fer permet de renforcer l'efficacité de l’immunothérapie.

Les limites de l’immunothérapie

L’idée que le système immunitaire (SI) puisse contrôler le cancer a été proposée par P. Ehrlich au début du XXe siècle. Depuis, de nombreux essais d’immunothérapie ont été réalisés. Jusqu’à récemment, ces traitements se sont avérés peu concluants. Ils sont ternis par les toxicités collatérales observées et l’échec de la vaccinothérapie qui nous apprend que les tumeurs se développent dans un environnement qui empêche le SI de les éliminer. Au début du XXIe siècle, J. Allison et T. Honjo décrivent l’existence de points de contrôle négatif du SI correspondant entre autres à l’expression par les lymphocytes T (LTs) de molécules inhibitrices bloquant leurs fonctions effectrices dont le plus connu est le récepteur inhibiteur PD1. Lors des réponses aux infections, ces points de contrôle restreignent l’activation des LTs lorsque l’agent pathogène est éliminé et empêchent ainsi des réponses incontrôlées et délétères. Dans le cas des réponses anti-tumorales, cette inhibition permet à la tumeur d’échapper au contrôle du SI, de se développer et de se disséminer. Révolutionnant la prise en charge du mélanome et de nombreux autres cancers, ces nouvelles immunothérapies et notamment les anticorps anti-PD1 augmentent la survie des malades. Malheureusement, seuls 20 à 30% des patients répondent bien à ces traitements en développant une réponse immunitaire anti-tumorale efficace. Pour pallier cette insuffisance, les stratégies actuelles proposent de combiner l’immunothérapie avec les traitements plus classiques que sont la chimiothérapie et la radiothérapie. Cependant, l'immunothérapie, la radiothérapie et la chimiothérapie ont des effets secondaires délétères et ces toxicités peuvent être additives ou même synergiques dans le cas de co-traitements. Il est donc crucial d'identifier des traitements alternatifs qui peuvent être combinés avec les immunothérapies pour améliorer leur efficacité tout en évitant ou en limitant l'apparition d'effets secondaires.

Une supplémentation en fer pour améliorer l’efficacité des immunothérapies

Dans un article publié dans Cancer Immunology Research les scientifiques montrent que le fer, un élément chimique des plus classiques, permet d’accroître l’efficacité de l’immunothérapie en augmentant et orientant la réponse des LTs. En effet, ils ont observé que le fer module le métabolisme des LTs, augmentant ainsi significativement leurs réponses in vitro. Cet effet “adjuvant” se traduit in vivo par un fort ralentissement de la croissance de lignées tumorales transplantées chez la souris. Plus précisément, ces résultats montrent qu’une supplémentation en fer favorise les réponses anti-cancéreuses en augmentant la production de facteurs anti-tumoraux par les LTs et permet également de fortement améliorer l’efficacité de l’immunothérapie anti-PD1 chez la souris. Enfin, cette étude suggère que, chez des patients atteints de cancer, la qualité et l'efficacité de la réponse anti-tumorale suite à une immunothérapie anti-PD1 peuvent être modulées par le niveau de ferritine plasmatique, dont la concentration reflète les réserves en fer de l’organisme.

En résumé, les résultats de cette étude suggèrent les bénéfices d'une supplémentation en fer sur la réactivation des réponses anti-tumorales et soutiennent la pertinence d’associer immunothérapie et supplémentation en fer pour le traitement des cancers.

© Bruno Martin

Figure : Le fer renforce l'efficacité de l'immunothérapie anti-PD1 contre le cancer
L’interaction entre la molécule PD1 exprimée à la surface des lymphocytes T et son ligand PD-L1 exprimé par les cellules tumorales conduit à l’inhibition des fonctions effectrices des lymphocytes T et à l’échappement tumorale. L’immunothérapie par injection d’anticorps anti-PD1 permet de bloquer cette interaction et de restaurer les fonctions effectrices des cellules T, se traduisant par une réponse anti-tumorale efficace. Cette étude suggère qu’une supplémentation en fer permet d’augmenter les réponses des cellules T et de renforcer considérablement l’effet de l’immunothérapie anti-PD1.

Pour en savoir plus : 
Iron boosts anti-tumor type 1 T-cell responses and anti-PD1 immunotherapy.
S. Porte, A. Audemard-Verger, C. Wu, A. Durand, T. Level, L. Giraud, A. Lombès, M. Germain, R. Pierre, B. Saintpierre, M. Lambert, C. Auffray, C. Peyssonnaux, F. Goldwasser, S. Vaulont, MC. Alves-Guerra, R. Dentin, B. Lucas and B. Martin. 2024.
Cancer Immunology Research, juillet 2024, DOI : 10.1158/2326-6066.CIR-23-0739

Contact

Bruno MARTIN
CRCN CNRS

Laboratoire

Institut Cochin (CNRS / Inserm / Université Paris Cité)
Equipe “Régulation des fonctions effectrices des lymphocytes T”

27 rue du Faubourg-Saint-Jacques
75014 Paris