Une signature lipidique singulière guide la cytokinèse des cellules végétales
La cytokinèse dans les organismes multicellulaires dicte la façon dont les cellules sont organisées dans un tissu, leurs identités et leurs fonctions. Une étude publiée dans Science Advances présente une analyse quantitative des étapes de cytokinèse chez la plant modèle Arabidopsis en utilisant des approches de microscopie à haute résolution. Ce travail a permis de décrire le mécanisme moléculaire par lequel la signature lipidique à la membrane agit comme signal pour le recrutement du cytosquelette de microtubules lors de la division cellulaire chez les plantes.
Contrairement aux cellules animales pour lesquelles la cytokinèse se produit par fission de la cellule mère en deux cellule filles, les cellules de plantes se divisent en construisant une structure éphémère nommée plaque cellulaire. Après son expansion centrifuge via la coordination entre le réseau de microtubules et le trafic vésiculaire, la plaque cellulaire (déposé par le phragmoplaste) va changer d’identité pour devenir la nouvelle membrane plasmique des deux cellules filles ainsi formées. La façon dont se produit la transition d'une plaque cellulaire vers une membrane plasmique fonctionnelle reste mal comprise. Dans une étude publiée dans Science Advances, nous rapportons que l'acquisition de l'identité de la membrane plasmique se produit par la structuration latérale d’un lipide particulier nommé le phosphatidylinositol 4,5-bisphosphate PI(4,5)P2.
En utilisant des approches de biologie cellulaire à haute résolution, il a été montré qu’au cours des étapes tardive de la cytokinèse, des domaines de polarité opposée se forment le long de la plaque cellulaire : L'exclusion de PI(4,5)P2 du bord de la plaque cellulaire en croissance est contrôlée par une enzyme qui régule le métabolisme des phosphoinositides nommée SAC9. Cette enzyme est enrichie au niveau de la zone de progression du phragmoplaste, suggérant un rôle spécifique dans la déplétion du PI(4,5)P2. Pour tester cette hypothèse, nous avons analysé la localisation d'un variant muté pour SAC9 probablement catalytiquement inactif et incapable de complémenter le phénotype mutant. SAC9 et son variant inactif SAC9C459A sont enrichis dans la zone de progression du phragmoplaste tandis que PI(4,5)P2 est appauvri (Fig. 6A). Lorsque SAC9 est visualisé avec MAP65-3, un régulateur majeur du phragmoplaste, une colocalisation temporelle et spatiale au niveau de la zone de progression du phragmoplaste a été observée, une caractéristique décrite par seulement quelques protéines. Ces résultats suggèrent que la restriction active de PI(4,5)P2 lors de la fixation de la plaque cellulaire est médiée par l'activité enzymatique de SAC9. Si c'est vrai, l'absence de SAC9 devrait affecter la distribution de PI(4,5)P2 au niveau de la plaque cellulaire. Après fixation unilatérale de la plaque cellulaire, une accumulation ectopique du PI(4,5)P2 dans la zone de progression du phragmoplaste est observée chez sac9-3, ce qui est cohérent avec l'idée que SAC9 limite le PI(4,5)P2 au domaine de maturation de la plaque cellulaire et empêche sa diffusion prématurée dans le domaine membranaire formé.
Étant donné que l'organisation du phragmoplaste est régulée par MAP65-3 qui colocalise avec SAC9, la localisation de MAP65-3 en l'absence de SAC9 a été ensuite étudié. Au cours de la fixation de la plaque cellulaire, la dynamique de MAP65-3 est modifiée en absence de SAC9, suggérant une incapacité à sortir de la cytokinèse lorsque le métabolisme du PI(4,5)P2 est modifié. De plus, en l'absence de SAC9, une ramification anormale de la plaque cellulaire est parfois observée avec une intersection relativement constante, rappelant la distance marquée par MAP65-3 et SAC9 au niveau de la zone de progression du phragmoplaste. Nous proposons que lors de la fixation unilatérale de la plaque cellulaire à la membrane plasmique, des domaines de polarité (c'est-à-dire le domaine de maturation de la plaque cellulaire par rapport aux bords de la plaque cellulaire en expansion) sont formés et le phragmoplaste agit comme une barrière pour la diffusion de PI(4,5)P2. Pendant l'attachement final de la plaque cellulaire à la cellule mère, le PI(4,5)P2 envahit progressivement l'ensemble de la plaque cellulaire, précurseur de la future membrane plasmique. Là, le PI(4,5)P2 (ou son absence) pourrait agir comme un repère pour guider la progression du phragmoplaste afin de compléter la cytokinèse végétale.
En savoir plus :
The phosphoinositide signature guides the final step of plant cytokinesis | Science Advances DOI: 10.1126/sciadv.adf7532
Vidéo
Microscopie confocale en trois dimensions, permettant de visualiser la membrane plasmique (en vert) et un regulateur majeur de la cytokinèse végétale à la plaque cellulaire nommé MAP65-3 (en magenta) dans des cellules en division sur la pointe racinaire d’Arabidopsis.
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Reproduction et développement des plantes - RDP (CNRS/ENS Lyon/Inrae)
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