Une nouvelle famille de récepteurs activant l’immunité antivirale

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

L’immunité innée, qui forme la première ligne de défense contre les infections, repose sur des familles de récepteurs baptisés « pattern recognition receptors » ou PRR, qui reconnaissent des motifs moléculaires caractéristiques. Deux articles publiés dans la revue Nature décrivent une nouvelle famille de PRR, les cGAS-like receptors. Apparenté au récepteur cGAS des mammifères, les nouveaux récepteurs identifiés chez la drosophile diffèrent par le type d’acides nucléiques qu’ils reconnaissent et par le signal qu’ils produisent. Ils ouvrent des perspectives pour la caractérisation des autres membres de cette famille, notamment chez l’Homme, chez qui un de ces gènes est fréquemment muté dans les cellules cancéreuses.

L’immunité innée, qui forme la première ligne de défense contre les infections chez les animaux, repose sur des familles de récepteurs baptisés « pattern recognition receptors » ou PRR, qui reconnaissent des motifs moléculaires caractéristiques. Dans le cas des virus, qui exposent peu de cibles au système immunitaire, ce sont en général les acides nucléiques, ADN ou ARN, qui sont reconnus. Ainsi, chez les mammifères, des PRR de la famille des Toll-like receptors (TLRs) ou de celle des RIG-I-like receptors (RLRs), alertent la cellule sur la présence d’ARN ou d’ADN dans leur cytoplasme. En outre, l’enzyme cGAS détecte la présence d’ADN dans le cytosol des cellules, ce qui déclenche la production d’un dinucléotide cyclique (DNC), le 2¢3¢-cyclic GMP-AMP (2¢3¢-cGAMP). Celui-ci va se fixer à la protéine STING, qui activera alors les kinases qui phosphorylent les facteurs de transcription NF-kB et IRF3 pour induire la synthèse d’interférons. cGAS appartient à une vaste famille de protéines présentes à la fois chez les procaryotes et les eucaryotes, mais on ignorait jusqu’ici la fonction des protéines apparentées à cGAS chez les animaux.

Dans le cadre d'une collaboration internationale  avec des équipes danoise (Aarhus) et américaine (Harvard) les scientifiques ont identifié deux nouveaux récepteurs apparentés à cGAS chez la mouche drosophile, baptisés cGAS-like receptors (cGLR) 1 & 2. Ils ont ensuite montré que ces récepteurs étaient nécessaires et suffisants pour activer l’immunité antivirale chez la mouche, et agissaient en amont de STING et NF‑kB, comme chez les mammifères. Là s’arrêtent cependant les similarités, puisque cGLR1 est activé par les ARN double-brins qui sont produits pendant la réplication virale, plutôt que par l’ADN, le ligand activant cGLR2 restant à identifier. En outre, cGLR1 et cGLR2 produisent un nouveau type de DNC, le 3¢2¢-cGAMP.

Ces travaux, publiés côte à côte dans la revue Nature, mettent en évidence une nouvelle famille de PRR, les cGLRs. En révélant que ces récepteurs peuvent reconnaitre autre chose que l’ADN et produire des messagers alternatifs au 2¢3¢-cGAMP, ils ouvrent des perspectives intéressantes pour la caractérisation des autres membres de cette famille chez les animaux. Ceux-ci pourraient fonctionner comme des récepteurs à d’autres molécules que l’ADN ou l’ARN, et synthétiser des DNC encore inconnus. Les mutations fréquemment observées dans les cellules cancéreuses dans le gène humain hMB21D2, qui code un cGLR, illustre un des enjeux de l’étude de cette nouvelle famille de récepteurs. 

 

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© Jean-Luc Imler
Figure : La voie cGAS-STING régulant l'induction des interférons chez les mammifères et la voie cGLR-STING découverte chez la drosophile. Les résultats obtenus suggèrent l'existence d'autres récepteurs cGLRs chez les animaux, dont la fonction reste à caractériser.

 

Pour en savoir plus :
cGAS-like receptors control RNA sensing and 3’2’-cGAMP antiviral signaling in Drosophila
Slavik KM, Morehouse BR, Ragucci AE, Zhou W, Ai X, Chen Y, Li L, Wei Z, Bähre H, König M, Seifert R, Cai H, Imler JL, Kranzusch P
Nature, 2 sept 2021.  doi: 10.1038/s41586-021-03743-5.

Two cGAS-like receptors induce a Sting-dependent antiviral immune response in Drosophila melanogaster.
Holleufer A, Gronberg Winther K, Gad HH, Ai X, Chen Y, Li L, Wei Z, Deng H, Liu J, Ahlmann Frederiksen N, Simonsen B, Kleigrewe K, Pichlmair A, Cai H, Imler JL, Hartmann R
Nature 2 sept 2021. doi: 10.1038/s41586-021-03800-z.

Contact

Jean-Luc Imler
Professeur à l'Université de Strasbourg

laboratoire

Modèles Insectes d’Immunité Innée (CNRS)
Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IBMC) - CNRS/Université de Strasbourg
2 Allée Konrad Roentgen
67084 Strasbourg