Une nouvelle cible pour lutter contre les maladies chroniques liées au vieillissement

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie Physiologie et cancer

Le vieillissement entraîne une accumulation de cellules sénescentes qui échappent au système immunitaire et contribuent à des maladies chroniques telles que les fibroses ou l’ostéoporose. Dans un article publié dans Nature Aging, des scientifiques révèlent qu’un glycolipide, un type de lipide complexe contenant des glucides, agit comme un bouclier contre le système immunitaire. En ciblant ce bouclier par immunothérapie, ils ont réussi à restaurer, chez la souris, l’élimination des cellules sénescentes et à réduire les dommages liés au vieillissement. 

Accumulation des cellules sénescentes au cours du vieillissement

Le vieillissement s’accompagne d’une accumulation progressive de cellules sénescentes dans les tissus. Ces cellules, bien que ne se divisant plus, sécrètent des molécules inflammatoires qui altèrent leur environnement et participent au développement de nombreuses maladies chroniques liées à l’âge, telles que la fibrose pulmonaire et hépatique, l’ostéoporose et certains cancers.

Notre système immunitaire est pourtant capable d’éliminer ces cellules délétères, notamment grâce à l’action des cellules tueuses naturelles (cellules Natural Killer ou NK), un type de lymphocyte spécialisé dans la surveillance immunitaire. Cependant, certaines cellules sénescentes parviennent à échapper à cette surveillance, persistant ainsi dans l’organisme. Le mécanisme exact de cette résistance restait jusqu’alors mal compris.

Un bouclier invisible protège les cellules sénescentes du système immunitaire

Dans une étude récemment publiée dans Nature Aging, des scientifiques ont mis en lumière un processus clé expliquant cette évasion immunitaire. Ils ont découvert que les cellules sénescentes produisent une molécule spécifique, un glycolipide appelé ganglioside GD3, qui agit comme un « bouclier invisible » à leur surface. Ce ganglioside bloque la détection des cellules sénescentes par les cellules NK en activant un récepteur inhibiteur, une protéine appelée SIGLEC-7, empêchant ainsi leur destruction et favorisant leur persistance avec l’âge.

Chez la souris, une approche efficace pour lever le bouclier

Forts de cette découverte, les scientifiques ont exploré une nouvelle approche thérapeutique en ciblant le ganglioside GD3 par immunothérapie sur des souris modèles. Le traitement par anticorps anti-GD3 a permis de restaurer la capacité des cellules NK à reconnaître et à éliminer les cellules sénescentes. Les effets observés ont été significatifs : une réduction marquée des dommages liés au vieillissement, notamment une atténuation de la fibrose pulmonaire et hépatique ainsi qu’une amélioration des processus de remodelage osseux.

Ces résultats, qui ont fait l’objet d’une News & Views dans Nature Aging, ouvrent des perspectives thérapeutiques prometteuses. À l’instar des immunothérapies développées pour bloquer les points de contrôle immunitaire des cellules cancéreuses, cette approche pourrait permettre de lutter contre le vieillissement pathologique en levant les freins naturels qui protègent les cellules sénescentes de l’immunosurveillance.

Dans un contexte où les marqueurs de sénescence en surface ne sont pas encore connus, rendant leur ciblage thérapeutique difficile, l’identification du ganglioside GD3 comme premier point de contrôle immunitaire associé à la sénescence (SIC : senescence-associated immune checkpoint) souligne l’importance des recherches fondamentales sur les mécanismes biologiques du vieillissement. Cette découverte ouvre des perspectives pour le développement de nouvelles stratégies visant à améliorer la qualité de vie des populations vieillissantes.

© Julien Cherfils-Vicini

Figure : A) L’expression de GD3 à la surface des cellules sénescentes inhibe fortement la fonctionnalité des cellules NK. La présence du ganglioside GD3 à la surface des cellules sénescentes active, via les acides sialiques (losanges violets), la fixation au récepteur inhibiteur Siglec-7, entraînant une anergie des cellules NK. B) La présence de GD3 correspond à un point de contrôle immunitaire associé à la sénescence (SIC, senescence-associated immune checkpoint), dont le ciblage par un anticorps monoclonal permet d’atténuer les maladies liées à l’âge. Le ciblage des cellules sénescentes par un anticorps monoclonal anti-GD3 dans des souris naturellement âgées a permis de réactiver la fonctionnalité des cellules NK et de bloquer certaines maladies liées à l’âge comme la fibrose pulmonaire, la fibrose hépatique ou encore le remodelage osseux.

Référence : A ganglioside-based immune checkpoint enables senescent cells to evade immunosurveillance during aging. Iltis C., Moskalevska I., Debiesse A. et al.
Nature Aging, 2024. DOI: 10.1038/s43587-024-00776-z

GD3 ganglioside checkpoints in immune surveillance of senescent cells. Majewska J. & Krizhanovsky V. 
Nature Aging, 2025. DOI: 10.1038/s43587-025-00803-7

Contact

Julien Cherfils-Vicini
Chercheur CNRS

Laboratoire

Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement de Nice - IRCAN (CNRS/Inserm/Université Cote d’Azur)
Univ Côte d'Azur
Faculté de Médecine
Tour Pasteur 5eme étage
28 avenue de Valombrose
06000 Nice - FRANCE