Une mémoire de cheval

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Grâce à une étude basée sur l’analyse des comportements et de l’activité cérébrale (EEG), les chercheurs démontrent que les chevaux ont une mémoire émotionnelle des voix humaines associées à des interactions plus ou moins positives : ils manifestent plus d’attention et de signaux positifs en entendant des voix associées à des évènements passés positifs (et inversement). Ces résultats sont publiés dans la revue Scientific Reports

La relation homme-animal donne un cadre intéressant de recherche sur la manière dont les animaux perçoivent, traitent et mémorisent des signaux de communication, y compris en provenance d’une autre espèce. En particulier, elle permet de tester l’impact de l’évaluation subjective qu’a l’animal des interactions associées à ces signaux sur ses « mémoires émotionnelles ».

Dans cette étude, 21 chevaux ont été confrontés une fois par jour pendant 7 jours consécutifs à deux expérimentateurs qui amenaient pour l’un de la nourriture appétente, pour l’autre de la nourriture non consommable, et qui portaient en même temps des haut-parleurs diffusant en continu des voix humaines (différentes pour chaque type de stimulus) lisant un texte neutre. Chaque paire de voix était propre à un cheval unique. Après cette période, les chevaux ont été soumis à des expériences de repasses pendant lesquels ils étaient d’abord tenus puis lâchés pendant qu’un haut-parleur diffusait soit la voix associée à l’expérience positive, soit la voix associée à l’expérience négative. Pendant ces diffusions, leurs comportements étaient fimés en vidéo et l’activité cérébrale enregistrée par un système EEG.

Leurs comportements étaient clairement différents selon la voix diffusée : ils mettaient davantage les oreilles en avant et tournaient plus la tête vers la droite (implication de l’hémisphère cérébral gauche) quand la voix diffusée était celle associée précédemment à l’apport de nourriture appétente alors qu’ils mettaient plus les oreilles en arrière quand il s’agissait de la voix précédemment associée à l’apport d’aliments non consommables.

Quand les chevaux étaient relâchés, ils montraient aussi des réponses latéralisées, maintenant le haut-parleur sur leur côté gauche (hémisphère droit) quand la voix diffusée était « négative ». Inversement, certains chevaux s’approchaient même du haut-parleur quand il diffusait la voix  « positive » bien qu’aucun humain n’ait été proche du haut-parleur. Les données électroencéphalographiques ont en outre révélé un état attentionnel accru lors de la diffusion de la voix « positive ».

Ces résultats confirment la capacité des chevaux à discriminer différentes voix humaines et montrent qu’ils ont une mémoire associant ces signaux à l’expérience émotionnelle ressentie lors de l’interaction.  Les voix humaines associées à un stimulus positif ont non seulement induit des réactions plus positives mais augmenté le niveau d’attention, confirmant des études précédentes qui montraient que l’utilisation de renforcement positif pendant l’entraînement induisait une amélioration de la relation homme-cheval à long terme mais également une augmentation de l’attention envers les actions humaines. Ils confirment aussi l’association entre la spécialisation hémisphérique cérébrale, les gammes d’ondes émises et l’état émotionnel. Enfin, ces travaux donnent un substrat scientifique aux anecdotes de chevaux montrant des signes de reconnaissance des voix de personnes avec qui ils avaient eu des interactions dans un passé plus ou moins lointain et de leur accueil plus ou moins positif de ces personnes selon leur vécu commun.

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Figure : Radar représentant les changements dans les proportions des différentes ondes cérébrales selon le type de voix diffusé : à droite : hémisphère droit, à gauche hémisphère gauche, chaque axe représente le % de fréquence du type d’onde (ex : gamma) par rapport à l’ensemble des bandes de fréquence composant le signal EEG.

© Hugo Cousillas

Pour en savoir plus :
Horses associate individual human voices with the valence of past interactions: a behavioural and electrophysiological study.
d'Ingeo S, Quaranta A, Siniscalchi M, Stomp M, Coste C, Bagnard C, Hausberger M, Cousillas H.
Sci Rep
. 2019 Aug 9;9(1):11568. doi: 10.1038/s41598-019-47960-5.

Contact

Martine Hausberger
Chercheuse CNRS au Laboratoire d’éthologie animale et humaine (CNRS/Université de Rennes 1)
Hugo Cousillas
Chercheur à l'Université Rennes 1 - Laboratoire d’éthologie animale et humaine (CNRS/Université de Rennes 1)