Une GTPase à 3 états pour contrôler les mouvements d’une bactérie
Les petites GTPases sont des régulateurs majeurs de la motilité cellulaire chez les eucaryotes, où elles fonctionnent comme des interrupteurs à 2 positions. C’est aussi le cas de la bactérie Myxococcus xanthus, qui a la particularité de changer sa direction de mouvement de façon coordonnée grâce à la petite GTPase MglA et son régulateur négatif, MglB. Paradoxalement, MglA et MglB sont localisés aux pôles opposés de la bactérie et donc séparées l’une de l’autre. Dans cette étude publiée dans la revue Nature Communications, les chercheurs ont découvert une clé importante du mécanisme d’action de MglA et MglB en montrant que MglA est en fait une GTPase à 3 états.
La forme active de la petite GTPase MglA est située au pôle avant de la bactérie alors que son régulateur négatif MglB (GTPase-Activating Protein = GAP) est située au pôle arrière. Leurs localisations s’inversent lors des changements coordonnés de direction, ce qui nécessite que MglA soit inactivée par MglB. Il est donc nécessaire que MglA et MglB communiquent à distance puis directement lorsque la bactérie inverse son mouvement. Dans cette étude, les chercheurs ont exploré cette question intrigante en intégrant des approches de biologie structurale, de biochimie in vitro et de motilité in vivo. Ces trois approches convergent pour établir l’existence d’un troisième état inédit de MglA qui combine des caractéristiques des formes actives et inactives canoniques des petites GTPases.
L’étude rapporte d’abord le cycle structural complet de MglA et MglB, qui identifie notamment une forme atypique de MglA combinant des éléments conformationnels de sa forme inactive (MglA-GDP) et de sa forme active (MglA-GTP). La caractérisation, par cinétique de fluorescence in vitro, de l’inactivation de MglA par MglB montre ensuite que MglA-GTP existe sous deux formes : l’une qui est inactivée par MglB, alors que l’autre y est réfractaire mais peut être re-sensibilisée par MglA-GDP selon un mécanisme de rétroaction (notée MglA-GTP* dans la figure). Enfin, l’existence de deux formes distinctes de MglA-GTP est établie in vivo au moyen d’un mutant de MglB (dont la position dans la protéine s'appuie sur l’étude structurale) capable d’atteindre toutes les molécules de MglA dans la bactérie. Ces résultats révèlent que MglA possède deux formes actives différentes, assurant la motilité à l’avant de la bactérie pour l’une et la communication entre l’avant et l’arrière de la bactérie pour l’autre.
Ce fonctionnement à trois états est sans précédent dans le monde des petites GTPases. Chez Myxococcus xanthus, il explique de nombreuses observations restées difficiles à rationaliser par un mécanisme à deux états. Il suggère notamment un modèle de régulation de la motilité dans lequel MglA-GDP est un messager soluble, capable de convertir la forme active située à l’avant de la bactérie (MglA-GTP*) en une espèce diffusable (MglA-GTP) qui se re-localise au pôle opposé pour initier des changements de direction. Les trois états de MglA permettent ainsi un rétrocontrôle négatif et la mobilisation rapide des molécules de MglA-GTP localisées au pôle avant, en d’autres termes un contrôle à distance de MglA-GTP par la GAP en plus de son action directe sur l’hydrolyse du GTP. Ce type de régulation pourrait également exister dans les cellules eucaryotes, ce qu’il serait intéressant d’explorer à l’avenir.
Pour en savoir plus :
MglA functions as a three-state GTPase to control movement reversals of Myxococcus xanthus
Galicia C, Lhospice S, Fernández Varela P, Trapani S, Zhang W, Navaza J, Herrou J, Mignot T, Cherfils J
Nature Communications 22 Nov 2019. doi.org/10.1038/s41467-019-13274-3