Une cape d’invisibilité pour le glutamate

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Le glutamate est le principal neurotransmetteur du cerveau chez les mammifères. Ses récepteurs sont largement répandus dans le système nerveux central, et sont à la base de l’apprentissage et de la mémoire. Dans cet article publié dans la revue PNAS, les chercheurs ont développé un nouveau glutamate « cagé » dont les propriétés biologiques et photochimiques sont compatibles, pour la première fois, avec une utilisation chez la souris dans des expériences de comportement.  

Les glutamates « cagés » sont des composés photosensibles qui ont eu un impact majeur en neuroscience. Dans le noir, la cage retient le glutamate et l’empêche de se lier à ses récepteurs. En réponse à une illumination violette, la cage libère le glutamate et rend le composé biologiquement actif. La lumière offre une précision spatiale et temporelle inégalée, permettant de mimer les signaux naturellement produits par les neurones au niveau des synapses. Les glutamates cagés permettent notamment de potentialiser les synapses avec la lumière, une étape cellulaire considérée comme essentielle dans l’apprentissage et la mémoire.

Les glutamate cagés développés à ce jour ont un inconvénient majeur qui a empêché leur utilisation in vivo : ils bloquent certains récepteurs membranaires (les "récepteurs GABA"), provoquant des crises d’épilepsie chez l’animal. Les chercheurs ont développé un nouveau glutamate cagé qui est protégé par une « cape d’invisibilité ». Ils ont montré que la cape ne modifie pas les propriétés photochimiques de la cage, mais confère au glutamate cagé deux propriétés cruciales pour son utilisation in vivo :  i) elle augmente la solubilité dans l’eau, et surtout ii) elle élimine les effets indésirables sur les récepteurs GABA. En d’autres termes, la cape rend le glutamate cagé complètement invisible.

Les chercheurs ont développé une méthode permettant de délivrer localement dans le cerveau de souris le nouveau glutamate cagé, la lumière violette libérant "sur commande" le neurotransmetteur. Ils ont sélectionné une région du cerveau, l’aire tegmentale ventrale, qui est impliquée dans l’apprentissage par renforcement. Ils ont pu montrer, en utilisant un test de préférence de place conditionnée, que l’animal apprenait à retourner dans le compartiment d’une arène ou il avait reçu préalablement le composé cagé plus la lumière violette. La libération, par la lumière, de glutamate dans l’aire tegmentale ventrale favorise donc l'apprentissage.

Cette étude représente la première utilisation d’un composé cagé chez une souris dans des expériences de comportement. C’est une étape importante pour le développement de méthodes permettant de contrôler in vivo la physiologie neuronale avec la lumière.    

FIGURE
© Alexandre Mourot

Figure: A) Principe des glutamates cagés et du glutamate cagé protégé par la cape. B) Approche opto-fluidique permettant de délivrer le composé cagé et la lumière dans une région du cerveau d’une souris en comportement. C) La souris passe plus de temps du côté associé à la lumière (droite) que du côté contrôle (sans lumière, gauche), comme le montre la trajectoire de la souris (trait noir).
 

 

Pour en savoir plus :

Optofluidic control of rodent learning using cloaked caged glutamate.
Durand-de Cuttoli R, Chauhan PS, Pétriz Reyes A, Faure P, Mourot A, Ellis-Davies GCR.

Proc Natl Acad Sci U S A. 2020 Mar 9. pii: 201920869. doi: 10.1073/pnas.1920869117. [Epub ahead of print]

Contact

Alexandre Mourot
Chercheur Inserm

Laboratoire

Neuroscience Paris Seine, Institut de Biologie Paris Seine (NPS/IBPS) - (CNRS, Sorbonne Université/Inserm)
9 Quai St Bernard, 75005 PARIS