Une alternance de gagnants et perdants maintient une grande diversité d’espèces dans les écosystèmes

Résultats scientifiques Microbiologie

Dans un article publié dans la revue PNAS, des scientifiques ont caractérisé un régime dynamique inédit dans la dynamique des abondances d’espèces interagissant fortement, telles que le plancton marin. Les résultats obtenus permettent d’expliquer comment ces écosystèmes peuvent maintenir leur exceptionnelle diversité, ainsi que les régularités observées dans leur distribution.

Dans un article, publié dans la revue PNAS, des scientifiques ont décrypté les mécanismes écologiques responsables de l'exceptionnelle diversité des écosystèmes. Ils ont ainsi exploré l’hypothèse que des interactions complexes et fortes puissent soutenir des communautés à haute diversité. Classiquement, une forte compétition est associée à la dominance de quelques espèces plus adaptées, délimitant clairement les « gagnants » et les « perdants » dans la lutte pour la survie.

Les scientifiques ont étudié un modèle mathématique pour la dynamique d’un grand nombre d’espèces ayant des interactions hétérogènes et principalement compétitives. Ils ont ainsi découvert que lorsque l'on préserve les « perdants » de leur extinction prédictible et que l’on leur permet de persister à bas effectifs, la communauté dominante finit par être subvertie. Les espèces « gagnantes » deviennent alors rares et un sous-ensemble d'espèces anciennement rares connaît une augmentation drastique - bien que, encore une fois, éphémère - de son abondance.

Quelle espèce domine à un moment donné s'avère intrinsèquement imprévisible et toutes espèces sont, dans une large mesure, équivalentes sur le plan dynamique. Cependant, même les plus petites différences en termes de l’interaction moyenne avec les autres espèces affectent la probabilité de leur essor, ce qui fait que certaines espèces sont plus souvent dominantes ou rares que d'autres.

Les scientifiques ont montré que les caractéristiques essentielles d’une telle dynamique chaotique, sont capturées par un modèle beaucoup plus simple. Dans celui-ci, l’effet sur une espèce des fluctuations du reste de la communauté est représenté par un facteur stochastique, dont l’autocorrélation reflète l'échelle de temps du bouleversement de la communauté dominante. Ce modèle produit en outre une décroissance en loi de puissance de l'abondance des différentes espèces, comme observé empiriquement dans les communautés de plancton marin.

Ces résultats ont non seulement mis en lumière un processus capable de maintenir des niveaux élevés de diversité d’espèces, mais suggèrent également une voie d’exploitation de données à haute résolution temporelle, de plus en plus produites lors de l’observation des communautés microbiennes.

Rush de Recherche | Phase chaotique

Animation réalisée par Adrienne Nowak, illustrant comment dans un modèle où un nombre élevé d’espèces interagissent fortement, la diversité des espèces peut être maintenue à hauts niveaux par une alternance chaotique, où la communauté est dominée par un petit nombre d’espèces dont le changement dans le temps est alimenté par une grosse majorité d’espèces rares.

Ces résultats ont été repris par des artistes, qui l'ont traduit dans une performance mêlant animation, dance d'improvisation et musique. Issue de la collaboration entre les auteurs du papier avec Adrienne Nowak (réalisatrice d’animation), Florestan Labourdette (musicien), Pierre Carré (IRCAM), Marcela Moura (EASTAP), Francesca Barbieri (ISC-PIF) et le collectif Partition Animée, la pièce ‘From plankton to human bodies: the dance of interacting types’ a été représentée à l’occasion du festival ARTEX de l'Institut de Systèmes Complexes Paris Ile-de-France (CNRS), où elle a gagné le prix du public (https://iscpif.fr/artex23-prix/).

Audiodescription

En savoir plus : Mallmin E, Traulsen A, De Monte S. Chaotic turnover of rare and abundant species in a strongly interacting model community. Proc Natl Acad Sci U S A. 2024;121(11):e2312822121. doi:10.1073/pnas.2312822121.

Contact

Silvia De Monte
Chargée de recherche CNRS

Laboratoire

Institut de biologie de l'École normale supérieure - IBENS (CNRS/ENS-PSL/Inserm)
46 rue d’Ulm
75005 Paris