Un rôle du deuxième chromosome X dans le développement des maladies auto-immunes ?

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

Pourquoi les maladies auto-immunes comme le lupus touchent-elles préférentiellement les femmes ? Dans un article publié dans la revue Science Advances, des scientifiques montrent que chez les souris femelles, le deuxième chromosome X, lorsqu’il n’est pas complètement inactivé, provoque l’apparition de signes d’auto-immunité. Cette découverte pourrait permettre de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant des régulateurs de l’inactivation du chromosome X.

Chez les mammifères, l’immunité des femelles est plus forte que celle des mâles. Cette immunité renforcée présente plusieurs avantages, notamment une meilleure résistance à différents types de pathogènes (virus, bactéries…) ou une meilleure réponse vaccinale. Cependant, elle peut devenir néfaste lorsqu’elle n’est pas correctement contrôlée. Le système immunitaire devient alors trop réactif et s’attaque aux cellules de l’organisme ce qui se manifeste sous la forme de maladies auto-immunes. La plupart de ces maladies, comme le lupus, touchent majoritairement les femmes. Comprendre l’origine de cette différence sexuelle est donc un enjeu primordial pour mieux traiter ces maladies.

Des gènes du chromosome X jouent un rôle dans la régulation de l’immunité
 

Une hypothèse étudiée est l’implication du chromosome X qui est particulièrement riche en gènes liés aux fonctions immunitaires. Des anomalies d’expression de certains de ces gènes, tels que les gènes de la famille des récepteurs Toll-like (TLR), sont responsables de l’apparition de maladies auto-immunes.

On pourrait alors penser que la présence de deux chromosomes X chez les femelles et d’un seul chez les mâles est suffisante pour expliquer cette différence d’immunité. Pourtant, lors des étapes précoces du développement des mammifères femelles, l’un des chromosomes X est réprimé. Cette inactivation est maintenue tout au long de la vie adulte, ce qui rééquilibre l’expression des gènes du X entre les sexes.

Un lien entre défauts d’inactivation du chromosome X et maladies auto-immunes
 

C’est pour cette raison que les scientifiques ont enquêté sur le lien entre une inactivation anormale du chromosome X et l’apparition de symptômes auto-immuns. En utilisant une lignée de souris présentant des défauts d’inactivation, ils ont notamment observé une surexpression de gènes TLR associée à des signes d’inflammation typiques du lupus. Ces gènes échappent normalement de façon partielle à la répression du reste du chromosome X ce qui contribue à la meilleure immunité naturelle des femelles. Cependant, lorsque l’inactivation du chromosome X est perturbée, cet échappement est exacerbé et les cellules du système immunitaire sont activées même en l’absence de pathogènes.

Ces résultats suggèrent qu’il existe un lien direct entre maladies auto-immunes et une inactivation incomplète du chromosome X. Cette découverte pourrait déboucher sur le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant particulièrement certains gènes du chromosome X ou bien des régulateurs de l’inactivation du chromosome X. Ces stratégies sont envisageables pour traiter le lupus, mais aussi d’autres maladies auto-immunes qui touchent préférentiellement les femmes.

© Huret et al.

Figure : Les souris femelles ont une meilleure réponse immunitaire que les souris mâles qui est associée à l’expression, à bas niveau, des gènes des voies de signalisation TLR (Tlr7, Tlr8, Tasl) à partir du chromosome X inactif en plus de leur expression à partir du X actif (Xa). Lorsque l’inactivation du chromosome X est altérée, ces gènes sont fortement réactivés ce qui conduit à l’apparition spontanée de signes d’inflammation et de manifestations auto-immunes.

En savoir plus : Huret C., Ferrayé L., David A., Mohamed M., Valentin N., Charlotte F., Savignac M., Goodhardt M., Guéry JC., Rougeulle C. and Morey C. (2024) Altered X-chromosome inactivation predisposes to autoimmunity. Science Advances, 10: eadn6537. DOI: 10.1126/sciadv.adn6537

Contact

Céline Morey
Chercheuse Inserm

Laboratoire

Epigénétique et destin cellulaire (CNRS/Université Paris cité)
Bâtiment Lamarck, 4ème étage

35 rue Hélène Brion
75205 Paris Cedex 13