Un nouvel outil permettant de contrôler les gènes par la lumière

Résultats scientifiques Génétique, génomique

L’analyse des gènes en laboratoire s’effectue en modifiant leur activité et en étudiant les conséquences biologiques de ces modifications. De nombreuses techniques permettent d’effectuer de telles interventions mais généralement pas sur des cellules précises d’un tissu ni à un temps donné. Dans cet article paru dans la revue eLife, les scientifiques présentent un outil génétique permettant de modifier n’importe quel gène d’intérêt dans des cellules vivantes en les éclairant avec de la lumière bleue. Cet outil ‘optogénétique’ ouvre de nouveaux horizons en recherche fondamentale, biomédicale ou industrielle.

Les ADN recombinases sont des protéines qui peuvent agir sur l'ADN en se liant à des motifs spécifiques et en y effectuant une opération de couper/coller. Une de ces recombinases, qui provient d’un phage (un virus qui infecte des bactéries), est connue des scientifiques pour sa grande efficacité et sa haute spécificité.

Cette protéine, appelée Cre, reconnaît une séquence d'ADN de 34 nucléotides appelée LoxP qui peut être introduite près d’un gène à étudier. Elle a été largement utilisée pour activer ou inactiver des gènes d’intérêt dans des organismes modèles. Pouvoir contrôler l’activité de cette protéine offre donc potentiellement la possibilité de contrôler l’activité de n’importe quel gène ou élément génétique dans de tels organismes.

Divers laboratoires ont développé des approches astucieuses permettant de contrôler l’activité de la protéine Cre ; par exemple en ne l’exprimant seulement dans certains types cellulaires ou bien en la rendant dépendante d’une molécule nécessaire à son activation. Ainsi, seules les cellules produisant Cre et recevant la molécule activatrice effectuent le remaniement génétique d’intérêt.

Plus récemment, des chercheurs et chercheuses ont tiré profit de systèmes permettant d’induire l’association de deux protéines par la lumière. Plusieurs approches ont été déclinées autour d’une même idée : exprimer dans les cellules cibles non pas la protéine Cre entière mais deux fragments de celle-ci qui sont inactifs tant qu’ils ne s’associent pas l’un à l’autre, et les coupler à des domaines photoactivables qui vont induire leur association lorsque les cellules sont éclairées. Ces développements ont montré des résultats encourageants mais présentent des difficultés de mise en œuvre et des efficacités parfois insuffisantes.

Les scientifiques décrivent ici une protéine photoactivable unique qu'ils ont appellée LiCre, pour Light-inducible Cre. La première étape fut d’identifier des domaines en hélice de la protéines Cre qui pourraient présenter des propriétés fonctionnelles intéressantes s’ils pouvaient « bouger » en réponse à la lumière. La seconde étape fut de coller à ces domaines des protéines photoréceptrices connues pour induire des mouvements moléculaires lorsqu’elle sont illuminées. Grâce à un système expérimental puissant basé sur la levure Saccharomyces cerevisiæ, les auteurs ont testé plus d’une centaine de tels "collages" dont un seul présente une activité très faible en obscurité et une forte activation par la lumière. Cette protéine chimérique, LiCre, combine une version modifiée de la protéine Cre avec une protéine provenant de l’avoine. Les scientifiques ont montré que LiCre surpasse les efficacités des systèmes antérieurs basés sur l’association de deux fragments. Ils ont notamment utilisé LiCre pour déclencher par la lumière des activités cellulaires, telles que la croissance ou la production de vitamines. Le système est efficace à la fois dans des microorganismes et dans des cellules humaines. N’étant basé que sur une seule protéine, cet outil est simple à implémenter.

Ce travail ouvre de multiples perspectives, notamment l'étude de la fonction des gènes dans des cellules précises d’un organisme vivant en éclairant spécifiquement ces cellules à un temps donné. Il devient également envisageable de mieux cibler certaines thérapies géniques en les couplant avec une photostimulation par fibres optiques. Enfin, certains industriels pourront utiliser LiCre pour contrôler en temps réel et sans ajout chimique l’activité d’un bioréacteur.

Figure
© Gaël Yvert
 
Figure :
a) Modèle d’activation de LiCre par la lumière. LiCre est une fusion entre une partie de la protéine Cre (représentée par un nuage gris clair) et un domaine appelé AsLOV2 (ou LOV, représenté par un filament) provenant de l’avoine. La lumière bleue induit un mouvement du domaine LOV qui modifie l’organisation de l’hélice colorée et rend la partie Cre active. b) Proportion de cellules de levure ayant activé un gène spécifique après une illumination dont la durée est indiquée en abcisse. Le gène activé rend les cellules fluorescentes et permet ainsi de les distinguer. c) Déclenchement par la lumière de la production de vitamine A dans des cellules de levure. Les cellules qui ont été éclairées sont devenues orange (tubes de droite).
 

 

Pour en savoir plus :

A single-chain and fast-responding Light-Inducible Cre recombinase as a novel optogenetic switch
Duplus-Bottin H, Spichty M, Triqueneaux G, Place C, Mangeot PE, Ohlmann T, Vittoz F and Yvert G.
eLife 23 février 2021; https://doi.org/10.7554/eLife.61268

Contact

Gaël Yvert
Directeur de recherche CNRS au Laboratoire de biologie et modélisation de la cellule

Laboratoire

Laboratoire de biologie et modélisation de la cellule (ENS de Lyon/CNRS/Université Lyon 1)
46 allée d’Italie 69007 Lyon.
http://www.ens-lyon.fr/LBMC/