Un mécanisme ancien d’environ 500 millions d’années contrôle la forme des plantes
Chez les plantes, la position des branches est un déterminant majeur de la diversité des formes. Afin de comprendre comment celle-ci est régulée, les scientifiques ont comparé un mécanisme contrôlant la formation des branches chez deux groupes de plantes : les mousses, dont l’origine évolutive est très ancienne, et les plantes à fleurs, apparues plus récemment. Les résultats, publiés dans la revue Current Biology, montrent que dans les deux cas les branches se forment en réponse à un même signal, l’auxine, dont la synthèse est régulée par une voie génétique conservée et ancienne, apparue il y a au moins 500 millions d’années.
Un objectif de la biologie est de comprendre les mécanismes ayant permis l’émergence et la diversification des formes des organismes vivants au cours du temps. Chez les plantes, la capacité à ramifier, c’est à dire à produire de nouvelles branches, est un déterminant majeur de leur diversité. Autrement dit, l’agencement des branches le long des tiges permet de définir les différentes architectures végétales rencontrées sur la planète. A quelques exceptions près, toutes les espèces végétales recensées possèdent la capacité de former des branches pour coloniser leur environnement. Cependant, les processus en jeu restent encore mal compris. Pourquoi ? En partie, parce qu’ils ont surtout été étudiés chez les plantes à fleurs, un groupe de végétaux dont l’origine évolutive est relativement récente (150-200 millions d’années).
Depuis plus d’un siècle, les scientifiques ont notamment concentré leur attention sur un mécanisme important appelé « dominance apicale ». En quoi consiste-t-il ? Lors du développement des tiges, des bourgeons parfois microscopiques se forment à la base des feuilles mais ne grandissent pas, on dit qu’ils sont inhibés ou dormants. Cette inhibition est permise par la production d’une hormone, l’auxine, dans la pointe des tiges qui voyage vers les bourgeons et empêche leur croissance. On sait aussi que la dominance apicale peut être levée par l’ablation de la pointe des tiges, celle-ci aura pour effet de mettre fin à la production d’auxine et provoquer le développement des bourgeons. Dans la nature, ce mécanisme est essentiel à la survie des plantes car il leur permet de continuer à croître même si elles se font grignoter… Les bourgeons dormants constituent une réserve de branches prêtes à se développer si nécessaire.
Les mousses ont une origine évolutive ancienne qui remonte à environ 450-500 millions d’années, à l’époque où les plantes ont colonisé la terre ferme. On peut en quelque sorte les voir comme les reliques des premières plantes terrestres. Malgré cette différence d’âge, les mousses possèdent aussi la capacité de se ramifier.
Afin de comprendre si plantes à fleurs et mousses partagent d’autres points communs, les scientifiques ont étudié le contrôle de la dominance apicale chez la mousse Physcomitrium patens. A l’aide d’outils comme la transcriptomique et la transgenèse, ils ont mis en évidence que les gènes contrôlant la synthèse d’auxine étaient actifs à la pointe des tiges de mousses. En supprimant l’activité de ces gènes, réduisant ainsi la production d’auxine, ils ont observé que les mousses produisaient plus de branches, exactement comme on l’avait observé chez les plantes à fleurs.
Ce résultat montre qu’un même mécanisme, impliquant la production d’auxine dans la pointe des tiges, est à l’œuvre chez deux grands groupes de plantes pour contrôler le développement des branches et donc leur architecture. D’un point de vue évolutif, cela suggère aussi que ce mécanisme pourrait avoir été hérité de l’ancêtre commun que mousses et plantes à fleurs ont partagé il y a environ 500 millions d’années au moment de l’apparition des plantes sur Terre.
Pour en savoir plus :
Apical dominance control by TAR-YUC-mediated auxin biosynthesis is a deep homology of land plants
Mattias Thelander, Katarina Landberg, Arthur Muller, Gladys Cloarec, Nik Cunniffe, Stéphanie Huguet, Ludivine Soubigou-Taconnat, Véronique Brunaud and Yoan Coudert
Current Biology 15 juillet 2022. https://doi.org/10.1016/j.cub.2022.06.064
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