Un gène muté dans les tumeurs permet aux cellules « d’embrayer » et de se disséminer
Un gène connu pour être muté dans des tumeurs gynécologiques a été identifié comme un régulateur majeur de la persistance de la migration cellulaire. Le produit de ce gène permet à la cellule de répéter un processus élémentaire générant un pas de migration. Cette étude publiée dans Nature Communications lève le voile sur une machinerie alternative de migration, jusqu’alors inconnue.
Les cellules humaines sont capables de migrer dans l’organisme. Dans l’embryon, ces migrations sont critiques pour la mise en place des organes. Chez l’adulte, seules quelques cellules gardent cette capacité de migration, comme les cellules de l’immunité qui patrouillent dans le corps pour combattre les infections. Cependant, dans la progression cancéreuse, des cellules tumorales initialement immobiles trouvent le moyen de se disséminer et d’établir des métastases à distance de la tumeur primaire. C’est à ce stade-là que les cancers deviennent particulièrement dangereux. Ils ne sont plus opérables et nécessitent des traitements par chimiothérapie.
Les scientifiques se sont intéressés à la machinerie de la migration cellulaire, c’est-à-dire à l’ensemble des machines moléculaires qui s’emboîtent grâce à des rouages et qui permettent aux cellules d’avancer. Nous savons globalement comment ces machines moléculaires permettent à la cellule de faire un pas, mais pas comment elles sont coordonnées pour lui permettre de « marcher ». Or c’est la persistance du processus, c’est-à-dire la répétition des pas qui permettent aux cellules de migrer efficacement et aux cellules tumorales de se disséminer. Dans cette étude, les scientifiques ont recherché toutes les protéines se fixant à une machine moléculaire de migration essentielle, de manière différentielle quand les cellules marchent ou ne font qu’un pas. Cette approche a permis d’identifier PPP2R1A, le produit d’un gène muté dans divers cancers gynécologiques : sein, endomètre et ovaire. Ce gène est requis pour la persistance de la migration, mais il n’est pas nécessaire pour faire un pas unique.
Les scientifiques ont ainsi compris que PPP2R1A va changer un des rouages de la machine moléculaire, comme lorsqu’on embraye dans une boîte de vitesse. Lorsque le mode persistant est enclenché, la protéine active de la machine se libère d’un carcan inhibiteur pour permettre des pas successifs. Pendant ce temps-là, sa place va être occupée au sein du carcan par une protéine qui lui ressemble. Cette protéine qui lui ressemble va vraisemblablement lui permettre de retrouver sa place quand la marche est terminée. Les scientifiques ont montré que PPP2R1A ne régule la persistance de migration que si ce mécanisme de machinerie alternative était enclenché. Sans ce mécanisme, la marche s’arrête tout de suite et la cellule n’enchaîne pas les pas. Les scientifiques ont cependant réussi à forcer la cellule à marcher sans ce mécanisme, mais dans ce cas il est nécessaire de donner une nouvelle impulsion à chaque pas. De manière importante, les mutations trouvées dans les tumeurs de patientes abrogent la capacité de PPP2R1A à réguler la persistance de migration.
A l’avenir, il sera nécessaire d’en apprendre plus sur les mécanismes de régulation des machines moléculaires de migration afin d’identifier des moyens d’intervention pour empêcher la dissémination des cellules tumorales dans l’organisme.
En savoir plus :
Wang, Y., Chiappetta, G., Guérois, R. et al.
PPP2R1A regulates migration persistence through the NHSL1-containing WAVE Shell Complex.
Nat Commun 14, 3541 (2023). https://doi.org/10.1038/s41467-023-39276-w
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