Toxoplasmose : une balance métabolique parasitaire pour gérer et épargner les ressources de l’hôte
La survie des parasites responsables de la toxoplasmose dépend du contrôle des ressources lipidiques puisées chez leur hôte. Dans cette étude, publiée dans la revue Nature Communications, les scientifiques montrent que le parasite met en place une “balance métabolique” permettant de gérer l’acquisition des lipides, leur consommation et leur stockage, évitant sa mort par surconsommation et lipotoxicité.
Les parasites Apicomplexa sont des agents pathogènes responsables d'infections humaines majeures telles que la paludisme et la toxoplasmose. Ces parasites infectent des centaines de millions de personnes chaque année et causent la mort de centaines de milliers d’entre elles dont la plupart sont des enfants et des patients immuno-déficients (HIV, chimiothérapies, leucémies, dons d’organes…). L’absence de vaccin efficace, l’émergence rapide de souches parasitaires résistantes aux traitements et la toxicité des traitements actuels, pointent l’urgence de développer de nouvelles voies thérapeutiques.
Le renouvellement de l'arsenal thérapeutique contre les Apicomplexa requiert une connaissance approfondie des voies métaboliques qui permettent la survie du parasite au sein des cellules de son hôte humain et son environnement physiologique. La propagation du parasite dépend de la disponibilité des nutriments détournés des ressources de la cellule-hôte au gré de leurs fluctuations physiologiques dans l’organisme. De récentes études montrent que les lipides constituent une ressource-clé sans laquelle le parasite ne peut survivre. Cette propriété représente donc une cible potentielle contre les Apicomplexa.
Les lipides de l’hôte font l'objet d’un détournement actif par le parasite. ils sont ensuite remaniés et recombinés à ceux synthétisés par la machinerie biologique propre aux parasites. Ce processus biologique permet de former des lipides “patchwork”, mélanges issus des deux voies (détournés de hôte et fabriqués par le parasite), sans lesquels le parasite ne peut survivre. L’activité de chacune de ces voies métaboliques dépend directement du statut nutritionnel de l’hôte (santé, obésité, malnutrition, stress…) qui régit une adaptation métabolique du parasite en fonction de ce statut nutritionnel. Alors, comment le parasite orchestre-t-il l’ensemble de ces voies métaboliques tout en maintenant sa survie ?
Les scientifiques viennent d’identifier l’acteur principal dans ces processus infectieux : une protéine parasitaire joue le rôle de “balance métabolique” centrale permettant de canaliser l’arrivée constante et massive des ressources lipidiques détournées depuis l’hôte. Cette protéine appelée « Lipin », permet de canaliser parcimonieusement ces flux lipidiques normalement toxiques pour le parasite vers des compartiments de réserve parasitaires et de les mobiliser de manière contrôlée lorsque le parasite en a besoin lors de sa multiplication au sein de l’hôte.
Grâce à la mise en place de la plateforme d’analyse de métabolomique et lipidomique (GEMELI) ainsi que de nouvelles approches d’analyses par spectrométrie de masse combinées à des marquages aux isotopes stables, les chercheurs ont, pour la première fois, décortiqué et quantifié les échanges métaboliques de lipides entre les parasites, leur hôte et le milieu extérieur. Ces techniques ont permis d’identifier le premier répertoire des lipides que le parasite détourne de l’hôte (“scavengeome”) et donc de mettre en avant les capacités métaboliques de ces parasites ainsi que le rôle essentiel de balance métabolique de la « Lipin » parasitaire.
Ces avancées technologiques et la découverte de cette balance métabolique révèlent des capacités jusqu’alors inconnue d’adaptation métabolique du parasite à son hôte humain et ouvrent la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques ciblant le parasite sans affecter le patient.
Pour en savoir plus :
Toxoplasma LIPIN is essential in channeling host lipid fluxes through membrane biogenesis and lipid storage
Sheena Dass, Serena Shunmugam, Laurence Berry, Christophe-Sebastien Arnold, Nicholas J. Katris, Samuel Duley, Fabien Pierrel, Marie-France Cesbron-Delauw, Yoshiki Yamaryo-Botté, Cyrille Y. Botté
Nature communications 17 mai 2021 . https://doi.org/10.1038/s41467-021-22956-w
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