Stopper les compulsions avant qu’elles ne surviennent !
Dans une étude publiée dans la revue Nature Neuroscience, les scientifiques ont pu prédire la survenue de compulsions chez un modèle de souris et les stopper avant qu’elles ne s’exécutent. Leur étude illustre le potentiel de ces nouvelles approches pour des traitement ciblés et personnalisés dans les troubles neuropsychiatriques.
Origine neurobiologique des comportements compulsifs
Les comportements compulsifs sont caractéristiques de nombreuses pathologies dans lesquelles les patients vont perdre le contrôle sur la régulation de certaines actions. Par exemple, il y a 2-3% de la population qui souffre de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) dans lesquels des actions vont être répétées à l’extrême (e.g. lavage de mains, vérifications de serrures) et gravement perturber la qualité de vie. Il a été démontré que ces comportements répétitifs pathologiques sont liés à des problèmes dans certains circuits du cerveau, notamment le cortex orbitofrontal et une structure sous-corticale sur laquelle il projette, le striatum. Ces zones cérébrales permettent la sélection d’actions appropriées, mais la micro-circuiterie neuronale qui régule l’exécution de ces actions est encore méconnue.
L’activation de neurones inhibiteurs du striatum permet de réduire la fréquence des comportements compulsifs
Dans cette étude, les scientifiques ont examiné des souris qui présentent des comportements compulsifs de lavage similaires à ceux que l'on peut observer chez des patients atteints de TOC. Ils ont découvert qu'en activant certaines cellules du striatum, les interneurones inhibiteurs, ils pouvaient réduire la fréquence de ces comportements compulsifs chez les souris jusqu’à des valeurs similaires à ce qui était observé chez les souris témoins. Ils ont pour cela utilisé la technique d’optogénétique, qui permettait de contrôler spécifiquement ces interneurones du striatum, de deux manières différentes. Dans un premier temps ils ont pu montrer qu’en activant de manière continue les interneurones du striatum ils pouvaient réduire les comportements compulsifs, démontrant le rôle crucial de ces interneurones pour réguler ces comportement compulsifs.
Une approche en « boucle fermée » pour intervenir uniquement lors de la prédiction d’une compulsion à venir
Dans un second temps, avec l’aide de techniques d’intelligence artificielle qui permettaient de prédire l’arrivée des compulsions à l’aide d’enregistrement d’activité neuronale du cortex orbitofrontal, ils ont pu stimuler ces neurones uniquement lorsque le comportement compulsif était sur le point de commencer. Cette seconde approche était plus spécifique et nécessitait beaucoup moins de temps de stimulation pour être tout aussi efficace que la stimulation continue.
Ainsi, ces résultats suggèrent d’une part que les interneurones du striatum pourraient être une cible pertinente dans le traitement des comportements compulsifs. D’autre part, l’approche en boucle fermée développée dans cette étude, permettant d’intervenir sur des comportements pathologiques à venir, est très prometteuse et ouvre la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques personnalisées.
Figure : Approche en boucle fermée pour la prévention de toilettage compulsif chez le modèle de souris SAPAP3-KO. 1. L’activité neuronale (notamment les champs de potentiels locaux) enregistrée dans le cortex orbitofrontale est utilisée comme biomarqueur prédictif des compulsions. 2. Un réseau de neurones artificiels est entraîné pour reconnaitre en temps réel la signature neuronale prédictive de la compulsion. 3. Dès que la compulsion est détectée, une brève stimulation optogénétique des interneurones du striatum permet de stopper l’arrivée de la compulsion.
Pour en savoir plus :
Closed-loop recruitment of striatal interneurons prevents compulsive-like grooming behaviors
S.L. Mondragón-González, C.Schreiweis, E.Burguière
Nature Neuroscience, 1er mai 2024. DOI : Closed-loop recruitment of striatal interneurons prevents compulsive-like grooming behaviors
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Laboratoire
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