Sans la glycoprotéine GP130, le récepteur à l’apeline reste au calme

Résultats scientifiques Physiologie et cancer

L’apeline, un petit peptide sécrété par l’endothélium, contribue à l’expansion des cellules à caractère souche du glioblastome. Cependant, les mécanismes de régulation de la signalisation par l’apeline et son récepteur (APLNR) sont encore mal connus. En combinant des approches génétiques et de biologie cellulaire dans des cellules de patients, les scientifiques suggèrent que la glycoprotéine GP130 guide la localisation de APLNR et module sa fonction dans les cellules de glioblastome. Ce travail est publié dans la revue The Journal of Cell Biology.

A l'instar des cellules souches embryonnaires et adultes, les cellules initiatrices de tumeurs à caractère souche résident dans une niche principalement orchestrée par une unité vasculaire, où l'endothélium fournit non seulement une concentration favorable en oxygène, facteurs de croissance et protéines d’adhérence, mais crée aussi un microenvironnement de protection. Des cellules souches de glioblastome (GSC) ont été identifiées à proximité des cellules endothéliales cérébrales, suggérant que des interactions fonctionnelles et réciproques ont lieu dans la niche vasculaire tumorale. Dans ce scénario, l'endothélium organise un microenvironnement favorable pour la croissance tumorale. En utilisant un système de co-culture cellulaire entre GSC issues de résection chirurgicale et cellules endothéliales cérébrales humaines, les scientifiques ont abordé la question des mécanismes de maintien des GSC par la niche vasculaire. Des travaux antérieurs avaient révélé un rôle de premier plan pour l'apeline (APLN) sécrétée par l’endothélium dans le maintien des propriétés des GSC ex vivo. Cependant, les mécanismes de signalisation induite par l’APLN dans les GSC sont encore mal connus. Par ailleurs, une autre étude a révélé que le récepteur de l'APLN (APLNR) utiliserait aussi une signalisation non conventionnelle dans les cellules cancéreuses, impliquant notamment via la voie cytokinique JAK/STAT. Les chercheurs ont donc exploré les mécanismes régulant la signalisation par l’APLN et son interaction avec la signalisation JAK/STAT.

Dans ce contexte, la glycoprotéine transmembranaire GP130, qui régule aussi la voie JAK/STAT, interagit avec APLNR dans les GSC. Grâce à l'invalidation de GP130 par la technologie d’édition génomique CRISPR/Cas9, les scientifiques montrent que l’expression de GP130 est essentielle pour contrôler la localisation de APLNR à la membrane plasmique. En effet, lorsque GP130 est absent, le cycle d’endocytose/recyclage de APLNR est perturbé en faveur d’une augmentation de la rétention intracellulaire de APLNR, rendant le récepteur inaccessible pour son ligand APLN. Fonctionnellement, l’effet de l’APLN sur l’auto-renouvellement des GSC est largement réduit lorsque l’expression de GP130 est éteinte. Une analyse transcriptomique par séquençage des ARN messagers met en évidence que GP130 contrôle l’expression de ELMOD1, une protéine connue pour son rôle sur la régulation des cycles d’activation/inactivation des interrupteurs moléculaires de la famille des ARF. L'inactivation de ces derniers par la technique de  l'ARN interférant suggère que GP130 contrôle le trafic intracellulaire de APLNR via l’équilibre de recyclage/endocytose géré par ARF3 et ARF6.

Ces données révèlent donc que GP130 agirait comme un guide pour le récepteur de l’APLN, en modulant ses mouvements de et vers la membrane plasmique. Cela ouvre la voie à de potentielles thérapies visant à inhiber l’APLN, son récepteur ou son trafic cellulaire afin de cibler la population de cellules souches du glioblastome.

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© Julie Gavard, Kilian Trillet
Figure : a. Des cellules de glioblastome de patients ont été marquées pour la glycoprotéine GP130 en vert et le récepteur de l’apeline (APLNR) en rouge. Les immunofluorescences ont été analysées en microscopie à super-résolution. La superposition, indiquant une colocalisation,  est montrée. La barre d’échelle est de 1 mm. b. Ce schéma représente le mécanisme d’action par lequel GP130 module la disponibilité de APLNR à la membrane plasmique. GP130 contrôle via le facteur de transcription STAT3 l’expression de la protéine ELMOD1. ELMOD1 agit comme un modulateur de l’activité des petites protéines G de la famille des ARF. Les ARF régulent la balance endocytose/recyclage du récepteur de l’apeline.

The glycoprotein GP130 governs the surface presentation of the G protein-coupled receptor APLNR.  
Trillet K, Jacobs KA, André-Grégoire G, Thys A, Maghe C, Cruard J, Minvielle S, Diest SG, Montagnac G, Bidère N, Gavard J.
J Cell Biol. 21 juillet 2021. doi: 10.1083/jcb.202004114.

Contact

Julie Gavard
Directrice de recherche CNRS

laboratoire

Centre de recherche en cancérologie immunologie de Nantes-Angers
(CNRS, Inserm, Université de Nantes)
8 quai moncousu
4400 Nantes