Rythmes bêta : basse fréquence pour le mouvement, haute fréquence pour l'attention

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Bien que découverte depuis 75 ans, le rôle des oscillations corticales bêta dans le contrôle moteur volontaire reste mystérieux. En entraînant des macaques dans une tâche complexe alliant attention et motricité, les scientifiques, dans un article publié dans la revue Plos Biology, ont découvert que les oscillations bêta de basse fréquence dans le cortex moteur primaire sont liées au contrôle moteur, tandis que les oscillations bêta de haute fréquence dans le cortex prémoteur sont liées à l'attention spatio-temporelle.

2024 correspond au 75e anniversaire d'une découverte révolutionnaire faite par Jasper et Penfield en 1949, reliant les oscillations bêta (12 à 30 Hz) au niveau du cortex sensorimoteur humain aux mouvements volontaires. Ces oscillations bêta, des ondes électriques produites par de larges populations de neurones et que l’on peut mesurer via des électroencéphalogrammes, n’ont cependant pas livré tous leurs secrets. Déterminer les rôles précis de ces oscillations dans différents aspects du contrôle moteur volontaire a été entravé par la tendance à considérer ces oscillations comme une entité unique avec une fonction unique. Une nouvelle étude parue dans Plos Biology apporte de nouvelles perspectives sur le rôle de ces oscillations dans l'action et la cognition.

Les scientifiques ont entraîné deux singes macaques dans une tâche comportementale exigeante à la fois sur le plan attentionnel et moteur. Cela leur a permis d'observer divers facteurs liés à la tâche motrice tout en enregistrant l'activité électrique des neurones via des électrodes insérés dans le cortex moteur. Ils ont découvert une double dissociation des rôles et des sources corticales de différents rythmes bêta. Le cortex moteur primaire (M1), connu pour son implication dans l'initiation et l'exécution des mouvements volontaires, présentait principalement des oscillations bêta de basse fréquence (inférieure à 20 Hz) associées au contrôle du mouvement, alors que le cortex prémoteur dorsal (PMd), reconnu pour son rôle dans la planification et la coordination des mouvements, présentait une activité bêta de fréquence plus élevée (supérieure à 20 Hz) associée à l'attention portée au contexte temporel et spatial.

Le bêta de basse fréquence était positivement corrélé avec le temps de réaction (le délai d'initiation du mouvement après l'apparition du signal de départ) tout au long de la phase de préparation après l'apparition du signal visuel. Il était aussi négativement corrélé avec les micromouvements posturaux spontanés de la main tout au long de l'essai. En contraste, le bêta de haute fréquence reflétait la prédiction temporelle de la tâche, avec des modulations sélectives avant et pendant les signaux visuels, qui étaient renforcées dans les moments d'attention accrue, lorsque le regard était fixé sur la zone de travail. De plus, lorsque le singe se trompait en tendant la main vers un distracteur visuel, les profils temporels des amplitudes des deux rythmes bêta pouvaient prédire cette erreur.

Les résultats suggèrent qu'en combinant les informations des oscillations bêta de basse et haute fréquence, il est possible de distinguer les difficultés de contrôle du mouvement des problèmes de focalisation de l'attention. L'étude a des implications importantes pour la compréhension de la fonction cérébrale normale et pathologique. Ces rythmes cérébraux peuvent être mesurés de manière non invasive via des capteurs à la surface du cuir chevelu. Les résultats pourraient ainsi ouvrir la voie à de nouveaux outils de diagnostic pour les déficits de contrôle moteur par rapport aux déficits d'attention dans des troubles complexes comme le Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) et les Troubles du Spectre Autistique (TSA), afin d'améliorer la précision du diagnostic et d'adapter le traitement et le soutien aux personnes affectées.

© Bjørg Elisabeth Kilavik

Figure : Double dissociation des sources corticales et corrélats comportementaux des rythmes bêta de haute et basse fréquences dans le cortex moteur. Les oscillations bêta de basse fréquence dominent dans le cortex moteur primaire et sont liées au contrôle moteur, tandis que les oscillations bêta de haute fréquence dominent dans le cortex prémoteur et sont liées à l'attention spatio-temporelle.

En savoir plus : Low and high beta rhythms have different motor cortical sources and distinct roles in movement control and spatio-temporal attention / Nougaret S, López-Galdo L, Caytan E, Poitreau J, Barthélemy FV, Kilavik BE / PLOS Biology. Published: June 25, 2024. https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3002670

Contact

Bjørg Elisabeth Kilavik
Chercheuse CNRS

Laboratoire

Institut de neurosciences de la Timone - INT (CNRS/Aix-Marseille Université)
Campus Santé Timone,
27, bd Jean Moulin,
13385 Marseille cedex 5, France