Rotations spontanées de cellules épithéliales : une compétition entre polarités et frontières cellulaires

Résultats scientifiques Biologie cellulaire

Pour former des organes, les cellules épithéliales doivent se mouvoir. L’origine de ces mouvements n’est pas bien comprise. Dans une étude publiée dans Nature Physics, les scientifiques montrent que des anneaux de cellules tournent de manière directionnelle en-dessous d’une taille critique. Le phénomène, reproduit par simulation numérique avec un modèle d’interactions entre cellules, résulte d'une compétition entre les dynamiques de polarités et de frontières cellulaires.

Le célèbre mathématicien Alan Turing a proposé dans son article de 1952 sur la morphogenèse de générer des anneaux cellulaires pour comprendre les mécanismes de formation des tissus. C’est ce qu’ont entrepris les scientifiques en réalisant des travaux impliquant une interaction étroite entre physique, mathématique et biologie. Ils ont préparé par micro-impression des anneaux de cellules épithéliales pour en observer et quantifier la dynamique spontanée impliquée dans les formations d’organes.

Leur travail révèle que les anneaux tournent de manière cohérente et chirale en-dessous d’une taille limite correspondant à la longueur de cohérence de la lignée cellulaire. Cette dynamique est originale car elle repose sur un « bras de fer » entre cellules de polarités d’abord opposées puis qui finissent par s’aligner. Un sens de rotation est privilégié. Ce mouvement collectif apparaît également par auto-confinement des cellules : au bord de l’anneau cellulaire se forme spontanément une frontière d’acto-myosine active, comme le montre l’activité de la petite GTPase Rho. Ces résultats sont reproduits numériquement par un modèle mathématique modélisant les polarités cellulaires et leurs vitesses. Après calibration, le modèle reproduit toutes les dynamiques explorées pour des anneaux de tailles différentes.

Ce travail ouvre des perspectives nouvelles. En biologie, le principe de compétition entre polarités avec frontières permet d’envisager les rotations spontanées avec chiralité importante pendant la morphogenèse sous un angle original. En physique, la matière active et sa modélisation sont sondées dans ce montage impliquant microfabrication, calibration de modèle et comparaison quantitative avec des prédictions. En mathématique, ce travail a exploré de nouveaux modèles de dynamiques avec frontières. L’ensemble permettra d’envisager les mouvements collectifs de cellules durant la morphogenèse ou durant des dysfonctionnements pathologiques comme des phénomènes émergents.

En savoir plus : 
Lo Vecchio, S., Pertz, O., Szopos, M. et al. Spontaneous rotations in epithelia as an interplay between cell polarity and boundaries. 
Nat. Phys. (2024). https://doi.org/10.1038/s41567-023-02295-x

Contact

Daniel Riveline
Directeur de recherche CNRS
Laurent Navoret
MCF Unistra

Laboratoires

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Université de Strasbourg
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