Réguler les rythmes circadiens pour traiter la dépression
La dépression s’accompagne d’une dérégulation des rythmes circadiens. Dans un article publié dans Nature Communications, des scientifiques ont montré l'importance de l'horloge biologique du cortex préfrontal et mis en évidence son altération dans un modèle de dépression chez la souris. L'administration de modulateurs pharmacologiques de l'horloge a influencé positivement ou négativement les symptômes comportementaux. Ces résultats soulignent, chez la souris, le potentiel thérapeutique d’une manipulation des rythmes circadiens.
Le trouble dépressif, une des formes les plus répandues de maladie mentale.
Le trouble dépressif majeur est l'une des formes les plus répandues de maladie mentale et une cause majeure d'incapacité dans le monde. C'est un trouble complexe et hétérogène associé à une grande souffrance individuelle, un risque accru de suicide et une charge économique énorme pour la société. Malgré les nombreux antidépresseurs disponibles, beaucoup de patients subissent encore de longs et multiples essais de médication avant de ressentir un soulagement des symptômes. De fait, il y a un besoin urgent d'antidépresseurs efficaces et à action rapide, dont le développement serait facilité par de meilleures connaissances neurobiologiques sur la dépression et du mécanisme d'action des antidépresseurs actuels.
Importance des rythmes circadiens dans la dépression : cause ou conséquence ?
La dépression est associée à des rythmes circadiens dérégulés. Ces cycles biologiques d'environ 24 heures influencent un large éventail de processus physiologiques et comportementaux. Cependant, il restait à savoir si la perturbation de l'horloge circadienne est la cause ou une conséquence de la dépression. Presque chaque cellule possède une horloge moléculaire, régie par l'oscillation de gènes horloges formant une boucle de régulation positive mais aussi négative. Pour étudier le rôle de ces rythmes biologiques dans les troubles de l’humeur, les scientifiques ont utilisé un modèle de souris présentant un état de type dépressif induit par le stress. Dans ce modèle, ils montrent une augmentation de l'expression de gènes liés à la boucle négative circadienne et une diminution de celle de ses régulateurs positifs. Cette observation a été faite dans le cortex préfrontal médian (mPFC), une zone cérébrale cruciale dans la régulation de l'humeur. De plus, une seule injection d’une faible dose de kétamine, une molécule connue comme anesthésique et depuis peu pour ses effets antidépresseurs, améliore les symptômes et normalise la perturbation de l’horloge, en diminuant l'expression des gènes de la boucle négative tout en augmentant celle des éléments positifs.
Le potentiel thérapeutique de la manipulation pharmacologique de l’horloge moléculaire
Un modèle de souris mutantes avec une ablation spécifique de l'horloge circadienne dans les neurones excitateurs du mPFC a permis de comprendre l’importance d’une horloge moléculaire viable. La présence d’une horloge fonctionnelle dans le mPFC se révélant être un facteur essentiel pour le développement de symptômes rappelant la dépression et pour les effets de la kétamine.
Les scientifiques ont ensuite modulé pharmacologiquement l’horloge circadienne. Sa potentialisation par un agoniste d’un des modulateurs positifs de l'horloge a induit des effets antidépresseurs. Cette manipulation de l’horloge a permis d’augmenter la signalisation du neurotransmetteur glutamate, une voie de signalisation connue procurant des effets antidépresseurs.
Figure :
Gauche : Le stress ainsi qu’un régulateur pharmacologique de la boucle négative module l’horloge moléculaire des neurones excitateurs du mPFC, diminuant la plasticité synaptique causant un effet pro-dépresseur sur l’humeur des souris.
Droite : Un régulateur positif de l’horloge ou la kétamine module également l’horloge moléculaire circadienne en induisant une augmentation de la plasticité, et conséquemment, un effet antidépresseur.
Pour en savoir plus :
Prefrontal cortex molecular clock modulates development of depression-like phenotype and rapid antidepressant response in mice
D. H. Sarrazin, W. Gardner, C. Marchese, M. Balzinger, C. Ramanathan, M. Schott, S. Rozov, M. Veleanu, S. Vestring, C. Normann, T. Rantamäki, B. Antoine, M. Barrot, E. Challet, P. Bourgin, T. Serchov.
Nature Communications, 23 août 2024, DOI : 10.1038/s41467-024-51716-9
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