Quelles sont les causes biologiques de la peur sociale dans les troubles du spectre autistique ?

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Notre cerveau est équipé pour capter des signaux subtils, nous aidant ainsi à socialiser et à naviguer dans notre vie quotidienne au milieu d’autres personnes. Dans un article publié dans la revue Biological Psychiatry, les scientifiques mettent en lumière comment dans certaines pathologies, comme les troubles du spectre autistique (TSA), une modification génétique spécifique peut entraver la capacité à décoder ces signaux sociaux et, ainsi entrainer une peur sociale.

Dans un article publié dans la revue Biological Psychiatry, les scientifiques, ont exploré comment des changements génétiques affectent les voies de signalisation sociale dans le cerveau. L'objectif principal de cette étude était de comprendre le mécanisme à l'origine du traumatisme social et de surmonter la peur des interactions.

Ils ont examiné des souris modélisant le syndrome de Prader-Willi (PWS) pour décoder les circuits cérébraux. Cette maladie génétique provoque une obésité sévère et une déficience intellectuelle. Ce syndrome est également l’une des affections du trouble du spectre autistique.

Une peur sociale difficile à éteindre par thérapie comportementale

Des études antérieures ont montré que l’absence du gène MAGEL2 était à l’origine de cette maladie neurodéveloppementale. Notamment parce qu’elle empêche la sécrétion, par les neurones, des hormones contrôlant la satiété et la socialisation.

Ici, les scientifiques ont analysé le cerveau et le comportement de souris qui ne possédaient pas le gène en question. Aussi, ces souris ont ressenti une peur sociale difficile à éteindre par thérapie comportementale. Elles étaient craintives, agressives et n’interagissaient pas avec des souris inconnues. Dans le même temps, les souris porteuses du gène Magel2 ont rapidement surmonté la peur sociale et ont interagi avec d’autres souris.

Les neurones à somatostatine, des cibles thérapeutiques innovantes pour corriger les troubles du comportement social

Les scientifiques ont découvert que deux neurohormones – l’ocytocine et la vasopressine – libérés depuis le noyau supraoptique dans l’hypothalamus (zone située à la base du cerveau) régissaient l’apprentissage de la sécurité en société et ainsi des comportements sociaux amicaux.

Ils se sont intéressés aux aires de projections des deux neurohormones particulièrement au septum latéral, une partie du cerveau qui aide à organiser les émotions et les comportements sociaux chez les individus sains porteurs du gène Magel2. Au contraire, les souris déficientes pour ce gène sont dépourvues du contrôle des deux neurohormones sur l’activité de cette zone du cerveau pourtant nécessaire pour surmonter les peurs sociales.

Dans le septum latéral, les scientifiques ont identifié l’excitabilité des neurones à somatostatine comme la cible principale de ces neurohormones. Lorsqu’ils ont réduit la sensibilité aux stimulations de ces neurones, ils ont constaté que les souris devenaient moins agressives et plus sociales.

Cette étude présente les neurones et récepteurs à somatostatine comme des cibles thérapeutiques innovantes pour corriger les troubles du comportement social.

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© Freddy Jeanneteau
Figure : Dans le septum latéral, l’ocytocine inhibe directement des neurones GABA à somatostatine qui bloquent la socialisation. Ainsi, la libération d’ocytocine désinhibe la circuiterie de la socialisation. La vasopressine stimule l’excitabilité de neurones GABA qui bloquent l’expression de comportements agressifs en plus de d’inhiber l’activité des neurones à somatostatine. Ainsi, la libération de vasopressine contribue à désinhiber la socialisation tout en empêchant l’agression. Cette unité fonctionnelle, empêchant l’expression de comportements opposés, est incontrôlée chez les souris déficientes du gène Magel2 puisqu’elles manquent d’ocytocine et de vasopressine dans le septum latéral.

En savoir plus :
Yann Dromard, Amélie M. Borie, Prabahan Chakraborty, Françoise Muscatelli, Gilles Guillon, Michel G. Desarménien, Freddy Jeanneteau. Disengagement of Somatostatin Neurons From Lateral Septum Circuitry by Oxytocin and Vasopressin Restores Social Fear Extinction and Suppresses Aggression Outbursts in a Prader-Willi Syndrome Model, Biological Psychiatry, 2023, ISSN 0006-3223, https://doi.org/10.1016/j.biopsych.2023.10.016.

Contact

Freddy Jeanneteau
Directeur de recherche CNRS

Laboratoire

Institut de génétique fonctionnelle - IGF (CNRS/Inserm/Université de Montpellier)
141 rue de la Cardonille
34090 Montpellier