Quand un robot menaçant améliore les performances cognitives
Un robot humanoïde peut-il influencer par sa simple présence les performances cognitives humaines ? Dans cette étude, publiée dans Science Robotics le 15 août 2018, les chercheurs montrent que la simple présence d’un robot connu pour son antipathie (plutôt que sa sympathie) augmente la sélectivité de l’attention de manière comparable à la présence d’un observateur humain.
Longtemps mis en scène par le 7ème art, les robots humanoïdes dotés de capacités cognitives supérieures à celles des humains et capables à notre égard du meilleur comme du pire (nous servir ou nous asservir) ne relèvent plus totalement de la science-fiction. En effet, les progrès rapides de la robotique sociale humanoïde permettent d’ores et déjà à des robots de se mouvoir de manière de plus en plus efficace et autonome, d’interagir verbalement, de comprendre et de répondre à certaines de nos attentes en tenant compte notamment de nos états émotionnels ; le tout avec des perspectives d’applications nombreuses, à domicile (services aux personnes âgées et aux personnes dépendantes), à l’école, à l’hôpital, dans l’industrie, au sein de nos systèmes de défense, etc...
On ne peut donc ignorer plus longtemps les questions posées par la présence de ces machines dans un futur proche. Comme le font remarquer les auteurs de cette publication, en dépit de ses avancées scientifiques et technologiques spectaculaires, la robotique sociale humanoïde laisse une question fondamentale en suspens. Quel est exactement l’impact de la simple présence des robots humanoïdes sur l’humain ? Des milliers de travaux issus des sciences du comportement, en particulier ceux de la psychologie sociale expérimentale, montrent chez l’homme et chez l’animal les effets tantôt bénéfiques tantôt néfastes de la simple présence des congénères. Même passive, la présence des autres peut avoir de puissants effets sur nos performances cognitives, par exemple en augmentant la sélectivité de l’attention (avec des conséquences positives ou négatives selon les caractéristiques de la tâche à accomplir).
Forts de ce constat, des chercheurs du Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive et du Laboratoire d'Informatique, de Modélisation et d'Optimisation des Systèmes ont unis leurs forces pour tester les effets de la présence passive d’un robot humanoïde sur l’attention. Les sujets réalisaient un test difficile d’attention sélective une première fois seuls et une seconde fois soit à nouveau seuls soit en condition de présence passive d’un robot avec lequel ils avaient quelques minutes auparavant échangés verbalement et découvert la personnalité sympathique (« le bon robot, serviable et empathique ») ou au contraire antipathique (« le mauvais robot, sévère et prétentieux »).
Les résultats de l’étude montrent une nette augmentation de la sélectivité attentionnelle en présence du mauvais robot, augmentation comparable à celle observée par ailleurs en condition de présence humaine (un observateur attentif aux actions du sujet). Les données de l’étude montrent aussi que, spontanément, les sujets anthropomorphisent le robot (bon ou mauvais) au niveau psychologique, c’est-à-dire le dotent de caractéristiques psychologiques spécifiquement humaines.
En bref, en construisant une machine à leur image, les humains s’exposent de facto à des phénomènes comportementaux auxquels ils n’avaient pas vraiment réfléchis, et dont l’étude en question ne montre sans doute qu’une facette très partielle mais suffisante pour désormais ouvrir ce champs de recherche à la question des sciences du comportement. Plus que de nouvelles réponses, de nouvelles questions émergent à mesure que nous explorons les possibilités des robots sociaux. Ces questions impliquent une réponse pour faciliter l’acceptabilité et la transition face ce qui est déjà appelé « une rupture ». L’accompagnement et une pédagogie des changements sociaux à venir liés à l’arrivée de ces robots passent en premier lieu par une compréhension de l’impact de l’interaction homme-robot, cela d’autant que notre société l’envisage aussi en milieu scolaire.
En savoir plus :
Not as bad as it seems: When the presence of a threatening humanoid robot improves human performance
Spatola N, Belletier C, Normand A, Chausse P, Monceau P, Augustinova M, Barra V, Huguet P*, Ferrand L*. (*equal contribution)
Science Robotics (2018, August 15), 3, eaat5843. doi : 10.1126/scirobotics.aat5843
Vidéo "Being watched by a cranky robot might help you focus" publiée par Science Magazine