Quand le SARS-CoV-2 défie le système de défense cellulaire

Résultats scientifiques Immunologie, infectiologie

La pandémie de 2020 a révélé le SARS-CoV-2 et ses dangers pour la santé humaine. Comprendre comment les cellules se défendent contre l’infection et comment le virus échappe aux défenses antivirales est essentiel pour développer des traitements. Une étude publiée dans Nucleic Acids Research montre comment le SARS-CoV-2, pourtant ciblé par les défenses de la cellule, arrive à les contourner.

Les mécanismes de défense cellulaire contre les virus.

Au cœur de nos cellules, l’ADN livre ses instructions sous forme d’ARN messager (ARNm), une molécule décodée par la machinerie cellulaire pour fabriquer les protéines, dans un processus appelé « traduction ». Cependant les ARNm peuvent parfois contenir des erreurs, ce qui peut mener à la production de protéines non fonctionnelles et même nuisibles. Pour garantir la qualité de ces messages, la cellule dispose d’un système de contrôle sophistiqué appelé : « Dégradation des ARNm Non-sense » (NMD pour Nonsense-Mediated mRNA Decay ), chargé d’éliminer les ARNm défectueux. Cependant ce système ne se limite pas à un simple contrôle de qualité interne. Des études récentes ont démontré que le NMD joue également un rôle clé en tant que ligne de défense contre certains virus, en détectant et détruisant les ARN viraux jugés aberrants.

Lorsqu’un coronavirus comme le SARS-CoV-2 infecte une cellule, son génome, constitué d’ARN, est directement utilisé par la machinerie de traduction cellulaire pour produire des protéines virales. Face à ce scénario, une question clé se pose : le génome du SARS-CoV-2 pourrait-il être une cible du NMD ? Et si oui, comment le virus parvient-il à percer ce bouclier cellulaire ?

Comment le SARS-CoV-2 neutralise les défenses cellulaires.

Dans un article publié dans la revue Nucleic Acids Research, les scientifiques apportent plusieurs réponses. Ils ont découvert le stratagème utilisé par le SARS-CoV-2 pour contourner cette ligne de défense.  Le secret de cette neutralisation réside dans la nucléocapside, une protéine recouvrant l’ARN viral.  La nucléocapside interfère directement avec deux composants essentiels du NMD : les enzymes UPF1 et UPF2. En bloquant l’accès d’UPF1 à l’ARN viral, en inhibant son activité, et en empêchant sa collaboration avec UPF2, la nucléocapside désactive efficacement ce système de protection cellulaire. Ainsi, le virus protège son propre ARN de la dégradation et peut continuer à produire les protéines nécessaires à sa réplication.

Fait surprenant, l’étude révèle que le SARS-CoV-2 détourne même l’enzyme UPF1 à son avantage, l’exploitant pour stimuler sa propre réplication via un mécanisme encore mystérieux.

Ces découvertes dévoilent une tactique sournoise du SARS-CoV-2 pour échapper aux défenses cellulaires et exploiter les ressources de son hôte. En décryptant ce mécanisme, cette étude ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques pour lutter contre les infections à coronavirus.

© Francesca Fiorini

Figure : Mécanisme d’inhibition du NMD par le SARS-CoV-2

En savoir plus : Veronica Nuccetelli, Makram Mghezzi-Habellah, Séverine Deymier, Armelle Roisin, Francine Gérard-Baraggia, Cecilia Rocchi, Pierre-Damien Coureux, Patrice Gouet, Andrea Cimarelli, Vincent Mocquet, Francesca Fiorini, The SARS-CoV-2 nucleocapsid protein interferes with the full enzymatic activation of UPF1 and its interaction with UPF2, Nucleic Acids Research, Volume 53, Issue 2, 27 January 2025, gkaf010, https://doi.org/10.1093/nar/gkaf010

Laboratoire

Microbiologie moléculaire et biochimie structurale - MMBS (CNRS/Université Claude Bernard)
IBCP - Site de Gerland
7 passage du Vercors
69367 Lyon - France

Contact

Francesca Fiorini
Chercheuse CNRS