Prix Jeunes Talents France Pour les Femmes et la Science 2020 : six jeunes chercheuses en biologie récompensées

Distinctions

Le CNRS félicite ses 26 lauréates du programme L’Oréal-UNESCO Pour les femmes et la Science France de la Fondation L’Oréal, dont six doctorantes de laboratoires rattachés à l'INSB. Ces chercheuses se verront attribuer une bourse de recherche et bénéficieront d’un programme de formation au leadership.

Textes issus du dossier de presse Prix Jeunes Talents France 2020

Najate AIT-ALI, Institut de la vision

 Les yeux grands ouverts sur l’innovation pour prévenir la cécité

Diplômée de l’université d’Évry-Vald’Essonne, Najate Ait-Ali intègre une équipe de chercheurs en tant qu’assistante ingénieur pour se consacrer à des travaux sur les rétinites pigmentaires, après avoir officié pendant 7 ans en tant que technicienne supérieure de laboratoire. Sa ténacité et son travail la conduisent à l’École pratique des hautes études pour mener un projet de recherchespécifique : comprendre le mécanisme d’un facteur qui est essentiel à l’acuité visuelle, le RdCVF, en anglais rod-derived cone viability factor. Ce travail a fait l’objet de sa première publication dans la revue scientifique américaine Cell.

Fière d’avoir démontré qu’il était possible pour une femme, au parcours parfois décrit comme atypique, de mener une carrière dans le domaine des sciences, elle travaille aujourd’hui à l’élaboration de traitements pour empêcher la cécité dans les cas de dégénérescence héréditaire de la rétine. Elle est à l’origine de plusieurs découvertes importantes qui permettent de se rapprocher de solutions thérapeutiques. Les travaux de recherche de Najate Ait-Ali ont une portée internationale, elle a d’ailleurs été amenée à collaborer avec de nombreuses institutions à travers le monde et notamment des équipes de l’université de Californie (UCLA) et de l’université de Californie du Sud (UCS) à Los Angeles. Attachée à  pratiquer un métier utile et important, enthousiasmée à l’idée de nouvelles découvertes, la chercheuse originaire de Roubaix note que dans l’institut dans lequel elle travaille, seules 5 équipes sur les 19 en place sont dirigées par des femmes.

Najate AIT-IL
©Fondation L’Oréal

 

Stéphanie JACQUET, Centre international de recherche en infectiologie

Apporter sa pièce au grand puzzle des relations entre virus et hôtes

Originaire de Saint-Martin, Stéphanie Jacquet quitte son île natale des Caraïbes dans le but de poursuivre des études supérieures à Montpellier afin de devenir enseignante. Fascinée par la richesse des mécanismes employés par les parasites pour se répliquer et se transporter d’un hôte à l’autre, elle décide de s’orienter vers une carrière en recherche scientifique pour étudier les interactions qui régissent le monde du vivant.
La chercheuse se spécialise alors dans l’étude et la compréhension des processus écologiques, évolutifs et moléculaires qui façonnent les interactions entre hôtes et parasites. Dans sa thèse, elle démontre notamment que  certains facteurs environnementaux, comme le vent ou la mer, et des facteurs écologiques, comme le mode de dispersion ou encore le cycle de vie, ont un impact sur l’aire de distribution d’un type de moucheron qui est le vecteur principal d’une maladie bovine.
Ses travaux les plus récents visent à comprendre comment les chauves-souris, hôtes de nombreux pathogènes transmissibles à l’être humain, coexistent avec les virus. Pour cela, elle étudie la diversité génétique et fonctionnelle de leur système immunitaire inné, à savoir les mécanismes cellulaires permettant la défense des chauves-souris contre les virus, comparativement à d’autres mammifères. Stéphanie Jacquet a mis en évidence certaines caractéristiques génétiques spécifiques aux chauves-souris qui contribueraient à leurs défenses antivirales uniques.
Entourée, soutenue et encouragée tout au long de son parcours académique par des femmes, qu’elle considère comme des modèles en science, Stéphanie Jacquet s’épanouit aujourd’hui dans les multiples facettes de sa recherche.
Contribuer à l’enrichissement des connaissances de notre monde, partager des savoirs au sein de notre société et former des jeunes en recherche académique représentent notamment l’essence de sa vocation. À travers
ce Prix Jeunes Talents, elle espère inspirer d’autres jeunes filles et souhaite les encourager à s’accomplir pleinement dans des parcours scientifiques.

Jacquet
©Fondation L’Oréal

 

Coline MONCHANIN, Centre de recherches sur la cognition animale

Des abeilles aux coraux : entre passion et engagement

Fille d’apiculteurs professionnels, Coline Monchanin grandit entourée par les abeilles. Confrontée au fil des années aux difficultés de l’activité apicole de ses parents – baisse de la production de miel, problèmes liés aux pesticides et parasites venus de l’étranger – Coline Monchanin choisit de s’engager dans une carrière scientifique pour la protection des pollinisateurs. Ses premiers travaux ont concerné l’impact  d’un pesticide sur l’apprentissage et la mémoire des abeilles, essentiels pour le bon fonctionnement de la colonie. Quelques années plus tard, ces travaux ont permis de faire évoluer la législation californienne en contribuant à l’interdiction de ce pesticide. Actuellement en thèse, ses recherches sont dédiées aux métaux lourds, polluant environnemental dont les effets sur les pollinisateurs restent largement méconnus.
Coline Monchanin a développé une démarche innovante multi-échelles afin d’étudier les impacts sur la colonie, l’individu et le cerveau de l’abeille. Par le biais du traitement d’un problème de santé publique inexploré chez les abeilles, la jeune femme espère faire un pas significatif vers une meilleure compréhension du problème plus global du déclin des pollinisateurs et de son effet pour l’écosystème tout entier. La chercheuse originaire de Charente forme le voeu « que les travaux scientifiques irriguent davantage la vie quotidienne dans une perspective de durabilité », du grand public aux décisions de politique publique.
Passionnée de plongée sous-marine, elle met son temps libre au profit de la conservation marine, entre autres dans le cadre de projets de recherche et de sensibilisation liant innovation, éducation et coopération internationale.

monchanin
©Fondation L’Oréal

Johanna MONDESIR, Institut Cochin

 Réparer les vivants

Suivant les pérégrinations de ses parents, Johanna Mondesir est née à Manille, aux Philippines, et a grandi dans le Val de Marne puis à Paris où elle obtient son diplôme de docteur en médecine et son master en recherche.
Elle grandit en s’inspirant de quatre repères, quatre femmes : ses deux grands-mères, sa mère et sa sœur. Modèles exemplaires  à ses yeux, Johanna Mondesir se conçoit  poétiquement comme la matière dérivée de ces quatre éléments féminins.
Au cours de son internat en hématologie, elle est amenée à prendre en charge des patients atteints de leucémie aigüe myéloïde (LAM), une forme agressive de cancer de la moelle osseuse qui, malgré les traitements actuels, reste associée à un taux élevé de décès liés aux risques de rechute. Johanna Mondesir choisit d’effectuer son master puis sa thèse sur cette maladie.
Le projet de Johanna Mondesir vise à explorer une approche thérapeutique originale basée sur l’utilisation d’un composé ciblant le métabolisme des cellules leucémiques qui pourrait restaurer l’activité du système  immunitaire contre ces dernières. Ses résultats préliminaires montrent l’émission de signaux capables d’activer le système immunitaire.
Pour aller plus loin, Johanna Mondesir souhaiterait évaluer l’efficacité de cette approche dans des modèles murins de LAM. Les travaux de Johanna Mondesir sont en ligne avec son rêve pour la science : « pouvoir réparer les vivants ».
En dehors de la science, Johanna Mondesir aime se plonger tour à tour dans la philoso-phie de Sénèque, l’humour des dessins du New Yorker ou les  productions pluridisciplinaires de la japonaise Yayoi Kusama.
 

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©Fondation L’Oréal

 

Laure-Anne POISSONNIER, Centre de recherches sur la cognition animale

  

Laure-Anne Poissonnier est aujourd’hui post-doctorante : depuis 8 ans, elle dédie  ses travaux aux insectes. La chercheuse fonde cet étonnant objet de recherche sur un grand pragmatisme : « Les insectes  et leurs comportements, explique-t-elle, ont permis de faire de nombreuses découvertes fondamentales. » Les méthodes employées  par Laure-Anne Poissonnier durant sa thèse pour étudier les comportements de nutrition du criquet sont aujourd’hui  utilisées pour mieux comprendre l’obésité chez les humains.
Actuellement, la chercheuse concentre ses travaux sur la mouche du vinaigre, un insecte qui possède des potentialités uniques permettant de mieux comprendre  le fonctionnement du cerveau lors de différents apprentissages et le type de mémoire associé. Cette mouche peut apprendre en observant ses congénères sous la forme d’un apprentissage social – une modalité encore peu connue – pouvant entraîner des phénomènes de transmission culturelle et influencer l’évolution de populations. Laure-Anne Poissonnier souhaite déterminer les neurotransmetteurs ainsi que les zones du cerveau impliqués dans cet exemple d’apprentissage social, ce qui pourrait permettre de mieux comprendre comment les êtres humains apprennent  par mimétisme.
Passionnée d’heroic fantasy et de boxe thaïe,  la jeune femme souhaiterait que les problèmes de santé mentale puissent être abordés dans la recherche par le biais de workshops ou d’accès à des conseillers ou psychologues dans  les laboratoires, à l’instar de ce qu’elle a pu constater dans d’autres pays.
 

POISSONNIER
©Fondation L’Oréal

 

Ralitsa TODOROVA, Centre interdisciplinaire de recherche en biologie

  

Comprendre comment naissent les souvenirs

Ralitsa Todorova est née à Sofia, en Bulgarie,  et c’est à travers l’Europe qu’elle se forme sur le fonctionnement cérébral, un sujet qui la passionne dès ses études secondaires, alors qu’elle découvre un article sur le développement d’un bras prothétique contrôlé par le cerveau.
Ralitsa Todorova obtient sa licence en neurobiologie à Édimbourg, effectue un échange à Uppsala, en Suède, puis entre  à l’École de neurosciences de Paris en 2013 pour un master de recherche en sciences cognitives.
Elle rejoint alors l’équipe de Michaël Zugaro, au Collège de France, et réalise une thèse sur la consolidation de la mémoire. Ce processus de renforcement et de transformation des expériences en souvenirs a lieu pendant le sommeil. Sans interférences avec le monde « extérieur », les régions cérébrales communiquent entre elles et réactivent les traces mnésiques pour réviser et réévaluer les souvenirs. Cette consolidation mémorielle suppose une interaction très fine avec les rythmes cérébraux de sommeil. Le travail de Ralitsa Todorova apporte des éclairages et des analyses toujours plus fines sur ce mécanisme éminemment complexe, capital autant pour des problématiques de santé humaine que de cognition et d’apprentissage.
La chercheuse, également sportive et passionnée de floorball et d’escalade, est convaincue que la collaboration et l’intelligence collective sont le moteur du progrès. Fervente adepte du travail collaboratif, elle considère que la représentation des femmes au sein des milieux scientifiques est une condition sine qua non de la richesse des idées et de la diversité des perspectives employées.

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©Fondation L’Oréal