Pourquoi est-ce que les humains ont une grosse tête ?

Résultats scientifiques Neuroscience, cognition

Une étude IRM montre que les babouins vivant en captivité dans de larges groupes sociaux ont un cerveau plus gros que ceux qui vivent dans des plus petits groupes, et ce, quel que soit la taille de leur enclos. Cet effet s’observe en particulier au niveau de leur volume de matière blanche. Comme dans l’espèce humaine, la richesse des relations sociales pourrait ainsi avoir un effet majeur sur la plasticité cérébrale. Cette observation renforce l’hypothèse selon laquelle l’évolution de la taille du cerveau des primates pourrait être liée à celle de la complexité de la vie sociale. Ce travail est publié dans la revue Evolution and Human Behavior.

Pourquoi est-ce que les Humains ont un cerveau anormalement gros comparé à leur taille ? Cette question a provoqué des débats animés au sein de la communauté scientifique. Certains sont partisans de l’hypothèse dite du « cerveau social » qui stipule que l’augmentation de la taille du cerveau à travers l’évolution des primates est liée à la complexité des relations sociales associée à la taille du groupe. Au contraire, d’autres soutiennent l’hypothèse dite « écologique » selon laquelle c’est le régime alimentaire et les stratégies cognitives associées à la recherche de nourriture qui influence la taille du cerveau. Les deux hypothèses partent du principe que l’augmentation de la taille du cerveau, très couteuse en énergie, est une réponse à la sélection naturelle de nouvelles compétences cognitives, qu’elles soient adaptées la vie sociale ou à la recherche de nourriture. Ces deux hypothèses restent très difficiles à distinguer dans la nature car la taille du cerveau, la taille du groupe et le régime alimentaire sont des variables souvent confondues.

Dans une étude portant sur le babouin Papio anubis, les scientifiques ont pu tester la validité de l’hypothèse du cerveau social. Ils se sont appuyés sur l’étude d’images cérébrales collectées par résonance magnétique (IRM) auprès de babouins hébergées à la Station de Primatologie. Tous les singes avaient donc le même régime alimentaire mais appartenaient à des groupes sociaux de tailles différentes (de 2 à 63 individus). Ils ont analysé les images cérébrales IRM de près de 82 babouins venant de groupes variés et extrait la taille de leur cerveau incluant le volume de matière grise, de matière blanche et de liquide céphalo-rachidien. Les babouins pouvant parfois changer de groupe au cours de leur existence, les tailles des groupes auquel chacun des babouins a appartenu ont été scrutées au cours des 8 dernière années précédant l'analyse IRM. Les chercheurs ont découvert que les babouins vivant dans de grands groupes sociaux avaient un cerveau plus gros que ceux vivant dans des plus petits groupes, et ce, quel que soit la taille de leur enclos. Cet effet provenait essentiellement d’une augmentation du volume de la matière blanche (les connexions entre les neurones), dans une moindre mesure de la matière grise (le nombre et la taille des neurones) mais pas du liquide céphalo-rachidien (une variable contrôle).

Ces résultats suggèrent une influence directe de la taille du groupe social sur la plasticité cérébrale au sein d’une même espèce de primates. Cette découverte renforce l’hypothèse du cerveau social selon laquelle l’évolution de la taille du cerveau des primates pourrait être liée à celle de la complexité de la vie sociale. Alors que d’autres facteurs comme le régime alimentaire peuvent certainement jouer aussi un rôle dans l’évolution du cerveau, la vie sociale en est un facteur essentiel.

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© Nicolas Claidière

Figure : Le volume du cerveau des babouins vivant dans de grands groupes est plus important en moyenne que celui des babouins vivant dans de petits goupes (t-test, t(80)=-1.71,p=0.046). Chaque point représente la taille du cerveau d’un babouin obtenu par scan IRM tandis que le diagramme en boîte représente la moyenne du groupe avec l’intervalle de confiance à 95% de cette moyenne.

 

Pour en savoir plus:

Baboons (Papio anubis) living in larger social groups have bigger brains.
Meguerditchian A, Marie D, Margiotoudi K, Roth M, Nazarian B, Anton JL & Claidière N.
Evolution and Human Behavior. 9 july 2020 https://doi.org/10.1016/j.evolhumbehav.2020.06.010

Contact

Nicolas Claidière
Chercheur CNRS au Laboratoire de psychologie cognitive (LPC)

Laboratoire

Laboratoire de Psychologie Cognitive (LPC) - (Univ. Aix-Marseille/CNRS)
3 place Victor Hugo, 13331, Marseille